1 Au QuĂ©bec, les aides-soignantes se nomment prĂ©posĂ©s aux bĂ©nĂ©ficiaires ». Nous utiliserons au fil ... 1Les aides-soignantes1 nouvellement recrutĂ©es dans les organisations gĂ©riatriques publiques françaises EHPAD, Ă©tablissements dâhĂ©bergement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes et quĂ©bĂ©coises CHSLD, centres dâhĂ©bergement et de soins de longue durĂ©e, traversent une Ă©preuve cruciale durant leur pĂ©riode dâintĂ©gration Ă lâorganisation. Cette Ă©preuve consiste Ă respecter deux rythmes temporels contradictoires dans leur travail quotidien un rythme rapide durant lâintĂ©gralitĂ© de leur journĂ©e de travail et un rythme lent lors des contacts avec le rĂ©sident. Nous rassemblons dans la catĂ©gorie nouvelles recrues » les aides-soignantes dĂ©tenant moins dâun mois dâexpĂ©rience dans lâorganisation gĂ©riatrique, soit la pĂ©riode maximale observĂ©e de la phase dâintĂ©gration dans lâorganisation par le personnel expĂ©rimentĂ©, du personnel nouvellement diplĂŽmĂ© qui rĂ©alise sa premiĂšre expĂ©rience professionnelle dâaides-soignantes. Le respect de ces rythmes par ce personnel peu expĂ©rimentĂ© dĂ©pend fortement de la capacitĂ© du collectif de travail Ă transmettre des stratĂ©gies de rĂ©gulation destinĂ©es Ă faciliter lâacte professionnel. Ce constat prĂ©sente des similaritĂ©s dans les deux contextes français et quĂ©bĂ©cois, qui connaissent des problĂ©matiques comparables. Mais le type de stratĂ©gies transmises diverge selon les organisations que nous avons Ă©tudiĂ©es. Cet article aura donc Ă©galement comme objectif dâidentifier et comparer quatre stratĂ©gies en les rapportant aux contextes organisationnels qui ont favorisĂ© leur Ă©mergence, et en les catĂ©gorisant plus particuliĂšrement selon leur degrĂ© de conformitĂ© aux pratiques prescrites par la hiĂ©rarchie. 2LâintĂ©rĂȘt dâune comparaison entre le contexte français et quĂ©bĂ©cois sur ce thĂšme ne se limite pas au processus actuel de vieillissement de la population dans les deux contextes Gauthier, Gaymu, 2003. Il provient aussi de la forte identitĂ© de plusieurs caractĂ©ristiques professionnelles et structurelles en milieu gĂ©riatrique. Tout dâabord, les aides-soignantes en France et au QuĂ©bec sont responsables de tĂąches identiques, dâassistance au rĂ©sident toilettes, aide au repas et au dĂ©placement, etc., et dâhygiĂšne de son environnement chambre, lit, etc. DubĂ©, Gagnon, St-Pierre, 2003 ; Beaulieu, 2005. Les EHPAD et CHSLD remplissent la mĂȘme mission accueillir des personnes ĂągĂ©es en perte dâautonomie afin de leur fournir des soins mĂ©dicaux et une assistance quotidienne Chaumet-Riffaud, 2002 ; ministĂšre de la SantĂ© et des services sociaux du QuĂ©bec - MSSS, 2003. Dans les deux contextes, les personnes reçues sont de plus en plus dĂ©pendantes physiquement et cognitivement ClĂ©ment, Lavoie, 2005, et nĂ©cessitent de ce fait une attention accrue de la part des intervenants. Enfin, les directions dâĂ©tablissement insistent sur la nĂ©cessitĂ© de maintenir une qualitĂ© dâhĂ©bergement pour les rĂ©sidents, en transformant progressivement le milieu gĂ©riatrique en un milieu de vie » MSSS, 2003 ; Connangle, Vercauteren, 2007. Ce nouveau modĂšle dâhĂ©bergement a pour objectif de donner aux personnes ĂągĂ©es des soins de qualitĂ©, dans un souci de dĂ©veloppement de la bientraitance » Beaulieu, 2007. En France, on parle de dĂ©marche qualitĂ© Connangle, Vercauteren, 2007, tandis quâau QuĂ©bec, lâexpression consacrĂ©e est approche Milieu de vie » Alderson, 2006. 2 Commission de la SantĂ© et de la SĂ©curitĂ© du Travail, QuĂ©bec â Document interne. 3Pour autant, les nouvelles caractĂ©ristiques des organisations gĂ©riatriques ne semblent pas sâaccompagner dâune amĂ©lioration des conditions de travail des aides-soignantes, notamment du ratio dâaides-soignantes par rĂ©sidents du service Aubry, Godin et Couturier, 2011; leur charge de travail tend plutĂŽt Ă sâintensifier, par la complexification et la multiplication des tĂąches. Ce processus sâillustre spĂ©cifiquement par un haut taux de dĂ©missions et dâabsentĂ©isme pour ce personnel. En France, selon la Dares Direction de lâanimation de la recherche, des Ă©tudes et des statistiques, 2011, le taux de dĂ©missions des aides-soignantes oscille entre 6 et 7 % de lâensemble des sorties dâemploi enregistrĂ©es, dĂ©passant le taux cumulĂ© des dĂ©parts en retraite, licenciements et fin de pĂ©riodes dâessai. Dans le contexte quĂ©bĂ©cois, selon Grenier 2008, la forte mobilitĂ© des aides-soignantes sâillustre par un taux de dĂ©part de 6,3 % parmi lâeffectif en poste pour la pĂ©riode 2006-2007, mais de 24,2 % pour lâeffectif arrivĂ© en cours dâannĂ©e, et de 37,6 % pour les moins de 30 ans. Le taux de dĂ©part des jeunes sâexplique en partie, selon lâauteur, par le haut taux de dĂ©missions en cours dâemploi. LâabsentĂ©isme est Ă©galement une preuve de ce processus dâintensification. En France, selon la direction gĂ©nĂ©rale de lâoffre de soins 2011, le personnel aides-soignants » a Ă©tĂ© absent en moyenne 25 jours en 2008, soit le plus haut taux dans lâunivers hospitalier, et en augmentation constante depuis 2005 22 jours. Au QuĂ©bec, selon des donnĂ©es de la CSST2, les aides-soignantes Ćuvrant en CHSLD souffrant de lĂ©sions reconnues blessures ou autres traumatismes dĂ©clarĂ©s sont absents en moyenne 188 jours par an pour la pĂ©riode 2005-2007, alors que la moyenne provinciale pour lâensemble des travailleurs est de 87,9 jours. Les travaux de Jasseron et al. 2006 identifient le manque de soutien de lâĂ©quipe de travail face Ă lâintensification de la charge de travail comme un facteur dĂ©terminant de la volontĂ© de changer dâhorizon professionnel. Enfin, il a Ă©tĂ© montrĂ© que, dans le contexte gĂ©riatrique, lâintensification est une cause dâun processus dâindividualisation des employĂ©s face Ă la tĂąche et dâeffritement du collectif Estryn-Behar et al., 2011. Du fait de leur manque dâexpĂ©rience, les nouvelles recrues peuvent ressentir rapidement les difficultĂ©s nĂ©es de ce manque dâencadrement par le collectif comment rĂ©pondre aux exigences croissantes de qualitĂ© lorsque la charge de travail tend Ă sâintensifier ? Quelles solutions trouver dans le cadre local des organisations ? 4Dans une premiĂšre partie, nous dĂ©crirons les Ă©preuves subies par les nouvelles recrues lors du processus dâintĂ©gration Ă lâorganisation, notamment les Ă©preuves temporelles que cause la contradiction des rythmes de travail. Dans une seconde partie, en utilisant principalement les donnĂ©es thĂ©oriques tirĂ©es des travaux en ergonomie de Caroly et Weill-Fassina 2004, nous montrerons comment le collectif de travail dâaides-soignantes agit comme un puissant crĂ©ateur de stratĂ©gies de rĂ©gulation qui sont transmises Ă chaque aide-soignante pour lui permettre de respecter ces rythmes contradictoires. Nous prĂ©senterons quatre stratĂ©gies une par organisation Ă©tudiĂ©e, en montrant en quoi leur Ă©mergence dĂ©pend Ă©troitement du contexte organisationnel. Enfin, en nous rapportant aux rĂ©cents travaux de Molinier 2010a ; 2010b ; Ingwiller, Molinier, 2010, nous montrerons dans une troisiĂšme partie que lâeffacement progressif du collectif et le dĂ©veloppement de lâindividualisation du fait de lâintensification de la charge de travail, atteint Ă Ă la santĂ© au travail des aides-soignantes, notamment par la voie de la souffrance Ă©thique. MĂ©thodologie 3 Nous utilisons des propos issus de ces entretiens dans cet article pour illustrer nos analyses. Pou ... Cet article se base sur les rĂ©sultats dâune Ă©tude sociologique qualitative menĂ©e en France et au QuĂ©bec. Lâobjectif principal de cette Ă©tude comparative, en deux phases, Ă©tait de cerner les modalitĂ©s dâintĂ©gration des nouvelles aides-soignantes dans les organisations gĂ©riatriques. Nous avons tout dâabord effectuĂ© 25 entretiens semi-directifs en France dans deux EHPAD publics, entre janvier et avril 2011, dont six auprĂšs de nouvelles aides-soignantes dĂ©tenant moins dâun mois dâexpĂ©rience. 24 entretiens ont Ă©tĂ© Ă©galement effectuĂ©s au QuĂ©bec dans deux CHSLD3 publics, entre juin et aoĂ»t 2011, dont six avec des nouvelles recrues. Ces Ă©tablissements sont situĂ©s Ă quelques kilomĂštres dâune ville de 100 000 habitants. Le nombre de rĂ©sidents, oscillant entre 125 et 225 selon lâĂ©tablissement, et le ratio rĂ©sident/aide-soignante entre 6,23 et 6,60, causent un Ă©cart entre les quatre organisations les organisations cumulant le plus grand nombre de rĂ©sidents EHPAD 2 et CHSLD 2 sont mieux pourvues en aides-soignantes que les deux autres organisations. Le tableau suivant rĂ©pertorie les caractĂ©ristiques des quatre Ă©tablissements. Tableau 1. PrĂ©sentation des Ă©tablissements Contexte Organisation Nombre de rĂ©sidents Nombre dâaides-soignantes Ratio rĂ©sidents par aides-soignantes, en moyenne France EHPAD 1 165 25 EHPAD 2 225 36 QuĂ©bec CHSLD 1 125 19 CHSLD 2 187 30 Pour les entretiens, nous avons choisi de recruter des aides-soignantes travaillant dans deux services diffĂ©rents pour chaque Ă©tablissement, mais spĂ©cialisĂ©s uniquement en soins de long sĂ©jour hors des services de courts sĂ©jours ou axĂ©s sur le traitement de maladies spĂ©cifiques comme la maladie dâAlzheimer. Une premiĂšre partie de la grille dâentretien concernait la description du processus dâintĂ©gration des nouvelles recrues dans lâorganisation gĂ©riatrique, et la seconde partie Ă©tait consacrĂ©e Ă la souffrance au travail Ă©numĂ©ration des causes de fatigue, description des activitĂ©s pĂ©nibles, etc.. Nous avons volontairement adoptĂ© une attitude dâouverture afin dâintĂ©grer des donnĂ©es nouvelles concernant les thĂ©matiques de cette Ă©tude. Nous avons Ă©galement passĂ© 70 heures en observation non participante, dont 35 heures dans un EHPAD en France et 35 heures dans un CHSLD au QuĂ©bec. Nous avons donc suivi une nouvelle recrue par Ă©tablissement pendant cinq jours, sept heures par jour, Ă compter de sa date dâentrĂ©e dans lâorganisation. Le choix de lâEHPAD et du CHSLD pour cette phase dâobservation fut donc dĂ©pendant de lâentrĂ©e dâune nouvelle recrue dans lâorganisation. Une grille dâobservation a Ă©tĂ© utilisĂ©e Ă cette fin, oĂč furent notĂ©es les diffĂ©rentes Ă©tapes du processus dâintĂ©gration des nouvelles recrues. Tableau 2. Processus mĂ©thodologique Contexte Organisation Entrevues aides-soignantes Entrevues nouvelles recrues Observations France EHPAD 1 8 2 35 heures EHPAD 2 11 4 Non QuĂ©bec CHSLD 1 7 2 Non CHSLD 2 11 4 35 heures Enfin, nous avons mis Ă contribution une mĂ©thodologie semi-inductive Glaser, Strauss, 1967 pour une analyse thĂ©matique des donnĂ©es qui nous a permis de rĂ©vĂ©ler des thĂšmes spĂ©cifiques, non abordĂ©es dans les grilles dâentretiens et dâobservation, telles que lâexistence de rythmes de travail spĂ©cifique et lâusage de stratĂ©gies de rĂ©gulation, qui sont devenus le cĆur de notre analyse. Les Ă©preuves dâintĂ©gration Le stage dâaide-soignante, une premiĂšre expĂ©rience 5Les parcours de formation des aides-soignants en France et au QuĂ©bec sont trĂšs similaires. Dans les deux contextes, leur intĂ©gration dans les organisations gĂ©riatriques est reconnue comme une expĂ©rience difficile. La majoritĂ© dâentre elles intĂšgrent de telles rĂ©sidences dans le but de fournir une assistance de qualitĂ© aux personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes. Arborio 2001 a montrĂ© que lâacte relationnel aider, assister, prendre soin, etc. fonde la lĂ©gitimitĂ© et le sens de leur pratique. Mais la dĂ©ception ressentie lors des premiers temps de lâentrĂ©e en fonction est importante la traversĂ©e du miroir » Hughes, 1996 est la dĂ©couverte progressive du dĂ©calage entre lâimage idĂ©alisĂ©e du mĂ©tier, centrĂ© sur les relations humaines, et la rĂ©alitĂ© difficile et parfois rebutante. 4 Les Ă©lĂšves aides-soignantes, françaises et quĂ©bĂ©coises, doivent en effet suivre durant leur formati ... 6Plus particuliĂšrement, deux Ă©preuves subies lors des premiers temps de pratiques semblent difficiles Ă supporter. La premiĂšre Ă©preuve est donc celle du dĂ©calage entre lâimage idĂ©alisĂ©e du mĂ©tier â le relationnel â et lâexpĂ©rience des pratiques rebutantes durant les phases de stages. La formation obligatoire dâaide-soignante en France conduit Ă lâobtention dâun diplĂŽme professionnel dâaide-soignante DPAS. Au QuĂ©bec, sâil nâest pas lĂ©galement rĂ©clamĂ©, le diplĂŽme dâĂ©tudes professionnelles DEP dâassistance Ă la personne en Ă©tablissements de santĂ© est pourtant rĂ©clamĂ© par les employeurs actuellement afin de devenir prĂ©posĂ©s dans un CHSLD public. Ainsi, la trĂšs grande majoritĂ© des nouvelles arrivantes en EHPAD et CHSLD publiques dĂ©couvre la gĂ©riatrie lors dâune pĂ©riode de stage4, et connaĂźt une premiĂšre expĂ©rience difficile du mĂ©tier. Loin de rester uniquement dans la relation humaine, les aides-soignantes doivent effectuer un travail complet de restauration » Doniol-Shaw, 2009 du corps et de lâenvironnement du rĂ©sident, sous la supervision directe des infirmiĂšres. Certes, cette phase est dĂ©crite par une majoritĂ© dâaides-soignantes interrogĂ©es comme une Ă©tape normale du processus dâapprentissage du mĂ©tier. Mais certaines, notamment celles qui nâont jamais eu Ă rĂ©aliser de toilettes dans un cadre familial avant dâintĂ©grer une telle organisation, nâhĂ©sitent pas Ă exprimer le dĂ©goĂ»t ressenti durant cette pĂ©riode. Jâavoue, jâai Ă©tĂ© surprise, au moment du stage. Je savais quâon allait devoir sâoccuper physiquement des personnes, avec leur dĂ©jections, les nettoyer aprĂšs, et puis nettoyer le lit sale⊠mais ca fait un choc la premiĂšre fois. Il faut dire que jâen avais jamais fait, mais ca sent mauvais, ca pue, tu te dis âJe vais devoir faire ca toute ma vie ?â » aide-soignante, France, 24 ans, 3 ans dâexpĂ©rience Durant le stage pendant ma formation, jâai trouvĂ© que ce qui Ă©tait dur en gĂ©riatrie, câĂ©tait principalement le fait que tu dois tâoccuper de toutes les affaires sales des gens [âŠ]. La premiĂšre journĂ©e de stage, je me suis posĂ© des questions, genre Est-ce que je vais ĂȘtre capable ? aide-soignante, QuĂ©bec, 25 ans, nouvelle recrue. 7Les aides-soignantes qui ne parviennent pas Ă surmonter cette Ă©preuve durant leur phase de stage peuvent dĂ©cider de travailler dans un autre domaine de santĂ© hĂŽpital, rééducation, etc.. Dâailleurs, pour celles qui ont dĂ©cidĂ© de continuer Ă travailler en gĂ©riatrie aprĂšs leur phase de stage, le dĂ©goĂ»t ne disparaĂźt jamais totalement MarchĂ©-PaillĂ©, 2010. En fait, lâĂ©preuve du dĂ©calage avec lâimage du mĂ©tier se rĂ©sout, pour les nouvelles recrues, par une occultation progressive du caractĂšre dĂ©gradant des pratiques et lâusage dâune prĂ©sentation valorisante du mĂ©tier, soit celle de la relation humaine Arborio, 2001 ; pourtant, les pratiques purement relationnelles dĂ©finies et mesurĂ©es uniquement par le temps partagĂ© entre rĂ©sident et aides-soignantes sont, selon nos observations, peu nombreuses, et fortement conditionnĂ©es par la charge de travail. Tenir un rythme soutenu et savoir ralentir 8Une seconde Ă©preuve se cumule Ă celle-ci, que lâaide soignante dĂ©couvre plutĂŽt au moment de lâintĂ©gration Ă lâorganisation, une fois le diplĂŽme acquis et les stages effectuĂ©s. Cette Ă©preuve se retrouve Ă©galement dans les deux contextes français et quĂ©bĂ©cois, qui se ressentent tous deux lâaccentuation des exigences en termes de qualitĂ© du travail et lâintensification de la charge de travail. Les nouvelles recrues doivent trouver un Ă©quilibre entre deux rythmes de travail contradictoires. Le premier rythme doit ĂȘtre soutenu tout au long de la journĂ©e de travail, afin de respecter la charge de travail prescrite sans perdre de temps durant les diffĂ©rentes phases de travail rĂ©veil, toilettes, repas, etc.. Par exemple, une aide-soignante peut refuser de prolonger la discussion avec une personne ĂągĂ©e pendant sa toilette du matin. Une chose quâon comprend vite quand on est ici au dĂ©but, et quâon ne voit pas trop en stage, câest le fait dâaller vite⊠enfin câest toujours se dĂ©pĂȘcher, tu tâoccupes dâune dame, tu lui fais sa toilette, tu voudrais rester pour lui parler, mais non tu ne restes pas⊠tu passes Ă une autre⊠Parce quâil y a un plan de travail Ă respecter, donc faut prendre le rythme. »aide-soignante, France, 30 ans, 8 ans dâexpĂ©rience Câest toujours âGo, go, goâ, tu ne tâarrĂȘtes pas dans une journĂ©e⊠Le relationnel avec la personne, câest quand on peut, mais câest sĂ»r que tu ne peux pas rester 10 minutes avec une madame Ă jaser. Tu fais la toilette, les soins du corps, tu lui parles un peu en mĂȘme temps, et tu passes Ă autre chose. »aide-soignante, QuĂ©bec, 42 ans, 15 ans dâexpĂ©rience 9Le second rythme est celui des contacts avec les rĂ©sidents, qui demande aux aides-soignantes de ralentir pour Ă©couter et rĂ©pondre aux multiples besoins des personnes ĂągĂ©es, pour entretenir de bonnes relations avec elles et veiller Ă ne jamais les maltraiter. On a un gros rythme Ă suivre, et câest difficile quand tu fais une toilette, ou quand tu donnes un bain⊠parce que tu ne peux pas aller plus vite que la personne, et dâailleurs tu ne dois pas la brusquer. Tu dois ralentir et faire ton travail en suivant au mieux son rythme, mais sans perdre trop de temps. » aide-soignante, France, 29 ans, 10 ans dâexpĂ©rience Le plus difficile, câest de bien prendre le temps avec la madame dont tu tâoccupes, de prendre le temps avec elle, quand tu fais une toilette par exemple, alors que tu sais que tu as encore six personnes Ă tâoccuper aprĂšs⊠» aide-soignante, QuĂ©bec, 38 ans, 6 ans dâexpĂ©rience 10Ces rythmes sont contradictoires parce quâils suivent des logiques temporelles divergentes dâune part la rapiditĂ© dans lâaccomplissement des tĂąches, et dâautre part la lenteur des contacts corporels. La rationalisation des temps de travail propre Ă une organisation industrielle » MĂ©haut, al., 2009 octroie trĂšs peu de temps Ă des actes qui demandent pourtant de respecter le rythme du patient. Les aides-soignantes nouvellement intĂ©grĂ©es doivent apprendre Ă respecter ces rythmes, ce qui peut constituer une Ă©preuve particuliĂšrement difficile, puisquâelle brise en partie lâimage idĂ©alisĂ©e du mĂ©tier. En arrivant ici, tu te rends compte quâon a beaucoup de choses Ă faire en peu de temps, et je nâavais pas ressenti ça en stage [âŠ]. En fait, tu dois tâoccuper des rĂ©sidents, tu dois les aider, les emmener Ă la toilette, par exemple, mais tu as deux minutes pour faire ça. Ăa ne convient pas Ă une madame de 90 ans⊠et je ne mâattendais pas Ă ce quâon soit autant dans le jus, et quâon ait si peu de temps pour les rĂ©sidents aide-soignante, QuĂ©bec, 25 ans, nouvelle recrue 11Comme lâont montrĂ© Litim et Kostulski 2006, une expĂ©rience nĂ©gative de ce dĂ©calage peut conduire les aides-soignantes les moins expĂ©rimentĂ©es Ă la culpabilitĂ© ou Ă la rĂ©signation. Ceci prouve toute lâimportance de lâencadrement des jeunes recrues par les aides-soignantes plus expĂ©rimentĂ©es, et, plus globalement, par un collectif de travail dâaides-soignantes. Le collectif, instance dâĂ©quilibrage des rythmes temporels Les fonctions du collectif 12Nous dĂ©finissons le collectif de travail comme lâensemble des aides-soignantes travaillant dans un mĂȘme service de travail, c'est-Ă -dire dans un contexte local de partages de pratiques et de normes Caroly, 2011, qui peut jouer un rĂŽle important de soutien moral et/ou technique Brizon, 2002 pour chacun de ses membres. Dans le contexte gĂ©riatrique, le collectif dâaides-soignantes dĂ©tient plusieurs fonctions. 13Sa premiĂšre fonction est de transformer les injonctions organisationnelles prĂ©sentĂ©es plus haut quantitĂ©/qualitĂ© en rythmes de travail pour chacun des membres. Plus prĂ©cisĂ©ment, le collectif est lâinstance de transformation des rĂšgles dictĂ©es par lâinstitution en normes de travail Ă deux rythmes. De fait, il imprime une norme de rapiditĂ© empĂȘchant toute aide-soignante de donner trop de temps pour une relation avec une personne ĂągĂ©e, ou un soin. Mais il oblige chacun Ă respecter une norme de ralentissement au moment du contact avec le rĂ©sident. Lâinjonction bureaucratique se transforme ainsi en enjeu organisationnel lorsque le collectif de travail devient le garant du respect de tels rythmes. Les aides-soignantes notent justement que, selon elles, câest lâensemble des membres du collectif qui doit respecter de telles normes, et notamment les recrues nouvellement intĂ©grĂ©es Ă lâorganisation, puisque chacun des membres dĂ©pend des injonctions organisationnelles prescrites, soit la charge de travail et la qualitĂ© des pratiques. On est toutes obligĂ©es de respecter le rythme, de suivre le temps, sans ça⊠tu mets tout le monde en retard, les autres doivent venir tâaider, et on sâen sort pas⊠»aide-soignante, France, 54 ans, 33 ans dâexpĂ©rience. Il y a des horaires quâon doit tenir, comme par exemple Ă telle heure tu dois avoir fini avec tes dix personnes pour les toilettes. Sans ça, tu te mets en retards pour les dĂ©jeuners. Donc il faut quâon arrive Ă tenir le rythme quâon se fixe toutes, parce quâon est toutes obligĂ©es de se dĂ©pĂȘcher pour ĂȘtre dans les temps. » aide-soignante, QuĂ©bec, 29 ans, 9 ans dâexpĂ©rience 5 Ce lexique est prĂ©cisĂ©ment utilisĂ© par les aides-soignantes elles-mĂȘmes dans les deux contextes. 14La deuxiĂšme fonction du collectif est lâĂ©valuation de la compĂ©tence des recrues Ă jongler » avec les deux rythmes de travail contradictoires. Ceci pose des problĂšmes techniques et Ă©thiques fondamentaux. Techniques, car il faut savoir remplir ses tĂąches rapidement sans pour autant mettre en danger le corps du rĂ©sident ; Ă©thiques, puisque se joue la question de la qualitĂ© du travail lorsque les conditions humaines et matĂ©rielles ne sont pas suffisantes pour atteindre cet idĂ©al. ConfrontĂ©es Ă ces problĂšmes, les nouvelles recrues sont donc susceptibles de commettre des erreurs et doivent rĂ©ajuster leur pratique, principalement lors des premiĂšres journĂ©es de travail. Pendant les premiers jours dâessai, une ancienne » plus expĂ©rimentĂ©e joue le rĂŽle de mentor ou de tuteur, mais doit aussi Ă©valuer la capacitĂ© de la recrue Ă maĂźtriser les rythmes de travail contradictoires. Les anciennes »5 sont chargĂ©es de lâĂ©valuation des nouvelles », c'est-Ă -dire des jeunes recrues. Les anciennes deviennent des porte-parole du collectif pendant lâintĂ©gration des nouvelles, puisquâelles jugent de leur capacitĂ© Ă respecter les rythmes de travail et leur transmettent des stratĂ©gies rĂ©gulatrices. 15Le collectif est enfin chargĂ© de la sĂ©lection des recrues. Nous avons montrĂ© ailleurs comment le collectif de travail contrĂŽle en partie le processus dâintĂ©gration des recrues Aubry, 2010 pendant les phases dite de doublage », en France, et dâ orientation » ou training » au QuĂ©bec. Le processus est sensiblement identique dans les deux contextes. Durant ces phases de 2 Ă 5 jours, une ancienne est chargĂ©e de superviser une nouvelle arrivante lors de phases pratiques durant lesquelles les rythmes de travail sont en jeu, soit les toilettes, les bains, les repas. Lâancienne Ă©met rapidement un jugement sur la capacitĂ© de la recrue Ă respecter les rythmes de travail contradictoires. Ainsi, la phase dâintĂ©gration se prĂ©sente comme un processus dâinteraction par lequel une nouvelle recrue va ĂȘtre habilitĂ©e Stroobants, 2007 par une ancienne Ă travailler selon les normes collectives. Celles qui ont tendance Ă respecter davantage le rythme rapide sont rapidement identifiĂ©es comme capables de pratiques maltraitantes. Celles qui respectent majoritairement le rythme du travail relationnel sont perçues comme des novices peu soucieuses de la charge de travail collective, qui pourrait entraĂźner une perte de temps mal vĂ©cue par le collectif dâaides-soignantes. Le collectif peut donc Ă©carter les nouvelles recrues qui ne parviennent pas Ă respecter les rythmes prescrits. Les aides-soignantes plus expĂ©rimentĂ©es ayant dĂ©jĂ vĂ©cu de telles phases de doublage ou dâorientation parlent des jeunes recrues compĂ©tentes comme celles sachant prendre des initiatives » France ou sachant tenir un beat » QuĂ©bec. Ces termes illustrent la capacitĂ© des recrues Ă respecter un rythme rapide dans le souci dâattĂ©nuer la charge de travail collective, tout en sachant rĂ©duire la cadence temporairement au contact du rĂ©sident. Quand une jeune arrive, tu vois vite si elle lâa ou pas⊠Il faut quâelle soit douce avec la madame, mais jamais elle doit trop prendre de temps parce quâelle peut mettre en retard tout le monde. [âŠ] il faut quâelle ait le beat, quâelle sache aller dâun rĂ©sident Ă un autre sans perdre de temps. » aide-soignante, QuĂ©bec, 36 ans, 15 ans dâexpĂ©rience 16Accepter ces normes et les mettre en application nâest pas un processus aisĂ©. Il paraĂźt en effet difficile, pour les nouvelles arrivantes, de respecter ces deux normes contradictoires sans tendre durant leurs premiĂšres expĂ©riences Ă rĂ©pondre prioritairement Ă lâune ou lâautre des injonctions. PrĂ©cisĂ©ment, le collectif dĂ©tient une quatriĂšme fonction, soit celle de crĂ©ateur/transmetteur de stratĂ©gies de rĂ©gulation nĂ©cessaires Ă lâĂ©quilibrage des rythmes de travail des nouvelles recrues. Le collectif et la transmission des stratĂ©gies de rĂ©gulation 17Le mĂ©tier dâaide-soignante est largement considĂ©rĂ© dans les Ă©crits scientifiques comme une activitĂ© professionnelle Ă faible technicitĂ© Arborio, 2009. Cette affirmation tient compte de la division technique du travail au sein des organisations hospitaliĂšres, et, plus prĂ©cisĂ©ment, gĂ©riatriques plus le poste occupĂ© dans cette division est Ă©levĂ©, plus celui-ci nĂ©cessite la connaissance et lâapplication de compĂ©tences techniques, comme câest le cas pour les mĂ©decins ou les infirmiĂšres. Les aides-soignantes, au bas de cette Ă©chelle technique, dĂ©fendent davantage lâusage de compĂ©tences relationnelles Arborio, 2001 quâelles dĂ©veloppent au contact du rĂ©sident. Dans le cadre de notre Ă©tude, elles construisent et utilisent des stratĂ©gies de rĂ©gulation afin de parvenir Ă respecter les rythmes temporels contradictoires. Pour reprendre les propos de Bourrier 2009, les aides-soignantes ont acquis des zones de compĂ©tences quâ[elles] sont les seul[e]s Ă dĂ©tenir parfaitement. Câest le groupe dans son ensemble qui au final, rĂ©ussit Ă se construire par toute une sĂ©rie de tactiques, conscientes et inconscientes tout Ă la fois » p. 152. Dans la lignĂ©e des travaux de Caroly et Weill-Fassina 2007, nous dĂ©finissons ces stratĂ©gies de rĂ©gulation comme un ensemble de pratiques tacites collectivement partagĂ©es et transmises entre aides-soignantes expĂ©rimentĂ©es et novices, et qui permettent de respecter les exigences imposĂ©es malgrĂ© leur Ă©ventuel caractĂšre contradictoire. Selon ces auteurs 2004, des stratĂ©gies de rĂ©gulation peuvent rĂ©soudre les conflits engendrĂ©s par les contradictions vĂ©cues en situation de travail. 18Nous avons pu observer et rĂ©pertorier des stratĂ©gies de rĂ©gulation dans les quatre organisations. Elles ont toutes pour fonction de rĂ©pondre aux exigences contradictoires des organisations gĂ©riatriques en termes de rythmes de travail. Mais la nature de ces stratĂ©gies et leur mode de transmission diffĂšrent dâune organisation Ă une autre. En effet, elles dĂ©pendent des contextes locaux, des caractĂ©ristiques de chacune des organisations nombre de rĂ©sidents, ratios, etc., des problĂ©matiques spĂ©cifiques Ă chacune dâentre elles, et du degrĂ© de libertĂ© et dâautonomie laissĂ©e au collectif pour crĂ©er, utiliser et transmettre des stratĂ©gies de rĂ©gulation. Nous avons choisi de catĂ©goriser exclusivement ces stratĂ©gies selon le critĂšre du respect des rĂšgles dictĂ©es par la hiĂ©rarchie certaines sont manifestement clandestines, puisquâelles ne respectent pas stricto sensu les pratiques prescrites par la hiĂ©rarchie organisationnelle infirmiĂšres et chefs dâunitĂ© de vie au QuĂ©bec, infirmiĂšres et cadres de santĂ© en France ; dâautres sont communĂ©ment acceptĂ©es par cette hiĂ©rarchie et la direction dâhĂ©bergement. Ce type de catĂ©gorisation ne permet pas dâidentifier dans le dĂ©tail le poids des caractĂ©ristiques organisationnelles dans la crĂ©ation de ces stratĂ©gies ; mais il a le mĂ©rite de comparer ces organisations selon un critĂšre identique, soit la conformitĂ© de ces stratĂ©gies aux pratiques prescrites par la hiĂ©rarchie. Nous prĂ©sentons donc quatre stratĂ©gies observĂ©es. StratĂ©gies acceptĂ©es par la hiĂ©rarchie organisationnelle 19EHPAD 1. Dans cette organisation française, une des stratĂ©gies observĂ©es consiste Ă commencer le travail du matin par les rĂ©sidents les plus dĂ©pendants physiquement, car leur rĂ©veil et leur toilette sont susceptibles de prendre le plus de temps. Ceci permet au personnel de mieux maĂźtriser les rythmes Ă tenir durant la journĂ©e de travail si le temps passĂ© pour les premiers rĂ©sidents est considĂ©rĂ© comme long, les aides-soignantes pourront rattraper leur retard auprĂšs des autres rĂ©sidents, en accĂ©lĂ©rant le rythme hors de la phase de proximitĂ©. Le temps rĂ©servĂ© aux autres rĂ©sidents pourra ĂȘtre plus flexible, puisque les risques de ralentissement seront plus faibles. NĂ©anmoins, lâusage dâune telle stratĂ©gie nâest pas assurĂ© dans toutes les organisations il faut que les infirmiĂšres responsables de lâencadrement des aides-soignantes acceptent de leur laisser une certaine marge de libertĂ© dans la construction du plan de travail, ce qui est le cas dans le service Ă©tudiĂ© Quand je suis arrivĂ©e, il y a une semaine, ma tutrice mâa dit tu prends les plus difficiles de ton plan de travail en premier ; par exemple, tu prends les plus lourds, et tu finis par les plus lĂ©gers⊠ça permet de mieux gĂ©rer la journĂ©e, dâĂȘtre moins speed. » aide-soignante, France, 19 ans, nouvelle recrue 20ParallĂšlement, grĂące Ă cette libertĂ© donnĂ©e au collectif de travail de modifier son plan de travail, la transmission de la stratĂ©gie est facilitĂ©e. Lâaide-soignante expĂ©rimentĂ©e peu librement la proposer Ă la recrue, et celle-ci peut aisĂ©ment en discuter avec les autres collĂšgues et lâintĂ©grer Ă ses stratĂ©gies. 21CHSLD 2. Une autre stratĂ©gie acceptĂ©e par la hiĂ©rarchie, identifiĂ©e dans une organisation quĂ©bĂ©coise, consiste Ă alimenter deux rĂ©sidents en mĂȘme temps. Par exemple, durant le dĂ©jeuner, une aide-soignante peut alimenter alternativement deux rĂ©sidents placĂ©s en face dâelle ; ceci permet de rester proche dâeux tout en gagnant du temps. Lâusage dâune telle stratĂ©gie est acceptĂ© par le chef dâunitĂ© de vie du service Ă©tudiĂ©, qui nây voit pas dâatteinte aux besoins du rĂ©sident ; de fait, sa transmission auprĂšs des nouvelles recrues est facilitĂ©e. StratĂ©gies clandestines 22EHPAD 2. Dans cette organisation, la stratĂ©gie observĂ©e consiste Ă retarder le passage aux toilettes dâun patient souffrant dâincontinence. Emmener un patient aux toilettes est considĂ©rĂ© par le personnel comme un acte long, qui demande beaucoup de temps 5 Ă 15 minutes. Si elles garantissent quâil faut toujours sâinformer de lâurgence de la demande du rĂ©sident, certaines aides-soignantes estiment quâil nâest pas nĂ©cessaire dâaccepter Ă chaque fois quâun rĂ©sident demande Ă ĂȘtre emmenĂ© aux toilettes, et choisir plutĂŽt une ou deux pĂ©riodes maximum durant une demi-journĂ©e de travail pour rĂ©pondre Ă ce besoin. Les aides-soignantes estiment respecter les besoin des rĂ©sidents en procĂ©dant ainsi, mais ce nâest pas lâavis du cadre de santĂ© du service Ă©tudiĂ©, qui voit dans cette pratique une forme de maltraitance non-avouĂ©e. Ainsi, les aides-soignantes parlent peu de cette stratĂ©gie, et tentent de cacher cette pratique Ă leur hiĂ©rarchie. De fait, la transmission auprĂšs des nouvelles arrivantes nâest pas un processus aisĂ© elle a souvent lieu aux moments oĂč le contrĂŽle de la hiĂ©rarchie est faible, notamment durant les pauses. De plus, cette stratĂ©gie peut donner un sentiment de culpabilitĂ© Ă la nouvelle recrue On a un monsieur qui est incontinent, et une collĂšgue mâavait dit si tu peux Ă©viter dâaller toujours rĂ©pondre si câest pour aller aux toilettes, ce serait bien, parce quâil va vouloir y aller toutes les dix minutes⊠Ăa mâa beaucoup dĂ©rangĂ©e au dĂ©but, et puis avec le temps tu te dis que câest mieux, sans ça ta journĂ©e nâavance pas. » aide-soignante, France, 22 ans, nouvelle recrue 23On constate quâune telle stratĂ©gie pose un problĂšme Ă©thique essentiel aux nouvelles recrues pour ne pas perdre de temps, elles doivent accepter de ne pas rĂ©pondre aux demandes du rĂ©sident, contrevenant par lĂ mĂȘme aux objectifs de leur pratique. Mais lâadhĂ©sion Ă un collectif peut normaliser une situation de doute sur la qualitĂ© de sa pratique. Cela lui permet de ne pas tomber dans le dĂ©senchantement individuel et de trouver dans la solidaritĂ© collective une forme dâappui moral. 24CHSLD 1. Dans cette organisation, une stratĂ©gie clandestine observĂ©e consiste Ă utiliser seul un lĂšve-personne appelĂ© souleveur » au QuĂ©bec pour les rĂ©sidents fortement dĂ©pendants afin de pouvoir changer leurs draps. La direction dâĂ©tablissement demande pourtant explicitement de rĂ©aliser ces actes Ă deux aides-soignantes, afin que le rĂ©sident ne risque pas de chuter. Mais on a pu observer que, dans certaines situations oĂč le personnel est en retard par rapport Ă son plan de travail, des aides-soignantes nâhĂ©sitent pas Ă le faire toutes seules, pour ne pas attendre quâune collĂšgue se libĂšre. Elles prennent beaucoup de prĂ©cautions pour ne pas risquer une chute du rĂ©sident, et considĂšrent de ce fait quâelles ne le mettent pas en danger. Du fait de sa nature clandestine, il semble difficile que cette stratĂ©gie puisse ĂȘtre transmise facilement aux recrues. Elle pourrait poser, elle aussi, un problĂšme Ă©thique aux recrues, cause dâune souffrance morale que lâappartenance Ă un collectif peut apaiser. Une fragilisation du rĂŽle du collectif Individualisation du rapport aux rythmes du travail 25La transmission de ces stratĂ©gies, quâelles soient clandestines ou acceptĂ©es par la hiĂ©rarchie, par les aides-soignantes expĂ©rimentĂ©es et leur acquisition par les jeunes recrues reprĂ©sentent des vĂ©ritables enjeux Ă©thiques. Le collectif de travail peut jouer un rĂŽle de soutien moral permettant aux nouvelles recrues de ne pas sentir coupable en respectant des exigences organisationnelles. 26Pourtant, les conditions positives permettant une transmission rĂ©ussie de ces stratĂ©gies entre aides-soignantes en gĂ©riatrie semblent actuellement difficiles Ă trouver, et ce dans les deux contextes français et quĂ©bĂ©cois. Le rĂŽle structurant du collectif de travail dâaides-soignantes envers les recrues paraĂźt en effet fragilisĂ© actuellement Estryn-Behar, 2011. Les moments oĂč le personnel expĂ©rimentĂ©, titulaire, encadre le personnel novice, majoritairement prĂ©caire, semblent plus rares et de moins bonne qualitĂ©, par lâeffet de lâintensification du travail et du fort roulement de personnel Divay, 2010. 27Cet Ă©tat de fait peut aboutir Ă une individualisation du rapport des aides-soignantes au travail, et notamment aux rythmes de travail contradictoires. Les consĂ©quences peuvent ĂȘtre importantes. Par exemple, nous avons pu noter que les travailleurs expĂ©rimentĂ©s, en France et au QuĂ©bec, tendent Ă refuser frĂ©quemment de rĂ©aliser des pratiques de doublage ou dâorientation devant assurer ces phases dâintĂ©gration pendant leur pĂ©riode de travail, les anciennes disent ne pas avoir le temps de bien transmettre leurs compĂ©tences ; de plus, le fort taux de roulement de personnel les conduit Ă penser que leur travail de transmission nâa pas ou peu dâutilitĂ©. Je refuse actuellement de faire de lâorientation⊠Câest trop de travail. On en fait de plus en plus, et il faut en plus quâon fasse du doublage durant notre pĂ©riode de travail⊠Câest toujours des nouvelles qui arrivent, qui repartent, câest toujours Ă refaire. » aide-soignante, France, 52 ans, 33 ans dâexpĂ©rience 28Si les anciennes aides-soignantes refusent dâencadrer de telles pĂ©riodes dâintĂ©gration, les nouvelles recrues devront affronter seules les rythmes de travail. Cette expĂ©rience est nĂ©gative, surtout lorsque la nouvelle ne maĂźtrise pas encore les situations, et que lâexpĂ©rience professionnelle dâaide-soignante reprĂ©sente une nouveautĂ© pour la recrue hors de la pĂ©riode de stage. Ma premiĂšre expĂ©rience, jâai dĂ» la faire toute seule. En fait, celle qui devait me superviser a dĂ» remplacer quelquâun dâautre qui Ă©tait absente, alors on mâa dit âok, tu vas devoir te dĂ©brouillerâ, alors jâai fait mes toilettes⊠jâĂ©tais un peu en retard mais on mâa aidĂ©e Ă la fin pour finir avant midi. » aide-soignante, France, 25 ans, 2 ans dâexpĂ©rience 29Cette situation de solitude face aux exigences du travail peut donc ĂȘtre particuliĂšrement mal vĂ©cue pour une forte proportion de nouvelles recrues. Comment une nouvelle recrue parvient-elle Ă trouver un Ă©quilibre temporel si aucun personnel expĂ©rimentĂ© nâest prĂ©sent pour imposer les normes collectives de rythmes de travail, ou pour transmettre des stratĂ©gies de rĂ©gulation ? Par ailleurs, comment une nouvelle recrue peut-elle ne pas tendre vers la rĂ©signation si elle utilise une stratĂ©gie clandestine sans soutien moral du collectif de travail ? Il y a une semaine, une nouvelle est venue, mais on ne pouvait pas faire de training, on Ă©tait dans le jus. On lui a dit quâon lâaiderait la journĂ©e suivant, mais la pauvre Ă©tait tellement en retard quâelle a refusĂ© de faire une seconde journĂ©e. Elle se sentait mal Ă lâidĂ©e de ne pas prendre du temps pour les rĂ©sidents. » aide-soignante, QuĂ©bec, 44 ans, 23 ans dâexpĂ©rience 30Ainsi, lâĂ©tat actuel des organisations gĂ©riatriques rend la pĂ©riode dâintĂ©gration des nouvelles recrues complexe et difficile. Il paraĂźt de plus en plus difficile pour elles dâintĂ©grer des stratĂ©gies de rĂ©gulation qui leur permettrait de faciliter leur expĂ©rience professionnelle, car les pĂ©riodes de transmission se rarĂ©fient ou se complexifient. Dans ce cadre, les stratĂ©gies collectives de rĂ©gulation tendent Ă se transformer en stratĂ©gies individuelles de dĂ©fense afin de tenir » individuellement face aux contradictions des rythmes de travail. Ces stratĂ©gies individuelles nâont plus vocation Ă rĂ©pondre adĂ©quatement Ă des exigences contradictoires ressenties collectivement, mais Ă sacrifier une exigence pour mieux rĂ©pondre Ă lâautre â le plus souvent celle privilĂ©giant le rythme organisationnel. Nous avons pu observer certaines de ces stratĂ©gies une aide-soignante, en France, refuse de rĂ©pondre au tĂ©lĂ©phone dans la chambre dâun rĂ©sident car elle prĂ©tend que le membre de la famille qui appelle lui fait perdre beaucoup de temps et lâempĂȘche de respecter le plan de travail. Ici, la relation au rĂ©sident est sacrifiĂ©e au profit du rythme de travail imposĂ© par le collectif. Au QuĂ©bec, une ancienne demande Ă une nouvelle recrue, ayant terminĂ© sa phase dâorientation, de faire la toilette de rĂ©sidents fortement dĂ©pendants, ce qui nĂ©cessite un temps consĂ©quent. Lâancienne explique son choix par le fait que la nouvelle apprendra plus vite si elle sâoccupe de ce type de rĂ©sidents tout de suite ». En fait, lâancienne, jouissant de ses annĂ©es dâexpĂ©rience, prĂ©fĂšre dĂ©lĂ©guer Ă sa collĂšgue une tĂąche complexe, afin de consacrer davantage de temps Ă ses patients », câest-Ă -dire aux moins rĂ©calcitrants Molinier, 2005. Le risque de dĂ©veloppement de la souffrance Ă©thique 31Ces deux exemples, parmi dâautres, dĂ©montrent toute lâimportance de prendre en compte ce processus dâindividualisation du rapport au travail en gĂ©riatrie. Le manque dâencadrement collectif des aides-soignantes peut les conduire Ă faire du rĂ©sident non plus un sujet qui a des besoins mais lâobjet autour duquel tournent les problĂ©matiques des rythmes de travail. La dĂ©personnalisation des rĂ©sidents Caradec, 2001 et les pratiques maltraitantes peuvent alors devenir des risques concrets En situation de surcharge, il est facile dâoublier lâhumanitĂ© de quelquâun » Molinier, 2010a, p. 116. La maltraitance Ă©voquĂ©e ici nâest pas considĂ©rĂ©e comme une forme individualisĂ©e de violence dâun acteur professionnel envers un rĂ©sident, mais comme le rĂ©sultat dâune organisation du travail inadĂ©quate Molinier, 2010b qui favorise la priorisation de la charge de travail et du respect du rythme de travail organisationnel. 32De ce fait, ce processus dâindividualisation peut avoir Ă©galement des consĂ©quences en termes de santĂ© au travail. Nous avons montrĂ© que le collectif de travail tend Ă protĂ©ger chacune des aides-soignantes de ses doutes sur la qualitĂ© de ses pratiques. Un effritement du collectif provoque pour ses membres une forme de souffrance dite Ă©thique Ingwiller et Molinier, 2010, nĂ©e de lâĂ©cart entre lâimage valorisĂ©e du mĂ©tier et le travail rĂ©el. Cette souffrance se dĂ©finit comme un mal-ĂȘtre consĂ©cutif au fait de rĂ©aliser des actes moralement condamnables. Bonnemain, Vidal-Gomel et Bourmaud 2011 ont particuliĂšrement bien dĂ©montrĂ© comment la souffrance Ă©thique chez les aides-soignantes en gĂ©riatrie en France naĂźt du sentiment de ne pas pouvoir offrir une assistance de qualitĂ© lorsque la charge de travail est excessive. Prolongeant cette idĂ©e, il faut noter toute lâimportance du collectif dans la transmission des stratĂ©gies de rĂ©gulation des anciennes aux nouvelles, afin dâĂ©viter ce type de souffrance ; le savoir issu du collectif se discute et se transmet des plus anciennes aux novices, le savoir-faire du care est le produit dâune expĂ©rience collective » Molinier, 2009, p. 451. 33Ainsi, reprenant lâidĂ©e de De Bandt, Dejours et Dubar 1995, nous pensons quâun espace de dĂ©libĂ©ration est nĂ©cessaire Ă la construction dâune intelligence collective et dâune logique de coopĂ©ration entre pairs. Selon Dejours 2009, p. 293, La coopĂ©ration, câest ce quâil faut collectivement inventer pour combler les lacunes, pour adapter et ajuster les prescriptions formulĂ©es par la hiĂ©rarchie, câest-Ă -dire adapter ou âinterprĂ©terâ les ordres. ». 34Une organisation ou un mode de gestion du personnel doivent donner suffisamment dâespace Ă ses membres pour construire une telle coopĂ©ration. Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© Foner, 1993 ; Bourrier, 2009 toute lâimportance des phases de repos et de repas entre les membres de lâĂ©quipe dâaides-soignantes afin de construire un tel espace de discussion collective. La phase dâintĂ©gration des nouvelles recrues doit prĂ©cisĂ©ment ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un tel espace-temps de dĂ©libĂ©ration, pour trouver des accords normatifs collectifs Dejours, 2009 qui rĂ©pondent aux problĂšmes de lâorganisation. Selon nous, la fragilisation dâune telle phase gĂȘne la rĂ©gulation collective, contribuant ainsi Ă la souffrance Ă©thique, jusquâĂ expliquer les forts taux de dĂ©missions et dâabsences pour les nouvelles recrues prĂ©sentĂ©s plus haut. 35Nous avons montrĂ© dans cet article que la phase dâintĂ©gration des nouvelles recrues aides-soignantes dans les organisations gĂ©riatriques françaises et quĂ©bĂ©coises est une phase complexe dâexpĂ©rimentation du mĂ©tier, oĂč elles dĂ©couvrent des normes collectives de rythmes de travail. Nous avons pu constater que les aides-soignantes tendent Ă suivre collectivement un mĂȘme objectif respecter ces rythmes de travail par lâusage et la transmission de stratĂ©gies de rĂ©gulation afin de rĂ©pondre Ă des prescriptions contradictoires. 36NĂ©anmoins, notre Ă©tude prĂ©sente deux limites majeures. La premiĂšre tient au faible nombre dâĂ©tablissements observĂ©s. Une Ă©tude portant sur davantage dâĂ©tablissements et dâaides-soignantes, pourrait permettre de construire un catalogue plus Ă©tendu des stratĂ©gies utilisĂ©es. Une seconde limite porte sur notre choix de considĂ©rer uniquement ces stratĂ©gies selon leur degrĂ© de conformitĂ© envers les pratiques prescrites par la hiĂ©rarchie. Une analyse plus fine des organisations histoire, caractĂ©ristiques du personnel, etc. permettrait de mieux identifier les conditions favorisant lâĂ©mergence de ces stratĂ©gies, et de les rapporter Ă leur contexte culturel national ou provincial. 37Postulant nĂ©anmoins lâexistence et lâusage de ces stratĂ©gies de rĂ©gulation des rythmes de travail, nous pouvons proposer une piste dâamĂ©lioration de lâintĂ©gration des nouvelles recrues. En accord avec les travaux de Yeatts et al. 2004, il serait pertinent que la hiĂ©rarchie organisationnelle donne davantage dâautonomie et de pouvoir aux aides-soignantes dans lâorganisation de leur travail, tout en contrĂŽlant leur qualitĂ© finale. Ceci permettrait aux aides-soignantes, et plus particuliĂšrement aux nouvelles recrues, dâutiliser, voire de crĂ©er davantage de stratĂ©gies, sans tomber dans la crainte dâĂȘtre jugĂ© comme un membre incompĂ©tent », voire maltraitant », par un membre de la hiĂ©rarchie.
Sylvie 50 ans Sylvie « Je suis aide-soignante et j'ai suivi une formation de clown qui m'a beaucoup plu. SpontanĂ©ment, je suis beaucoup dans la dĂ©rision et dans l'humour, mais j'ai compris laIntroduction1Les soins relationnels sont primordiaux et dĂ©licats. Ils ouvrent Ă la relation, permettent au sujet souffrant, enfermĂ© dans sa solitude dâĂȘtre entendu et de pouvoir se sentir sĂ©curisĂ© par la rĂ©ponse soignante accompagnante. Lâattitude soignante adaptĂ©e aux situations, aux circonstances et aux personnes soignĂ©es demande du tact, une formation, des capacitĂ©s de discernement, de distanciation et de relecture. Lâaccompagnement des personnes en fin de vie, prĂ©sentĂ© par les soins palliatifs, ouvre sur la quĂȘte de sens et la dimension spirituelle au cĆur dâune considĂ©ration de la personne dans sa globalitĂ©. Les soignants ne peuvent se cantonner Ă faire des soins, ils sont appelĂ©s Ă prendre soin. Le concept de sollicitude devient plus couramment usitĂ© dans le langage courant ou en milieu soignant, il reste cependant pour beaucoup flou. Je vous propose de dĂ©couvrir pas Ă pas son enracinement dans cette rĂ©flexion Ă©volutive sur lâaccompagnement, son Ă©mergence dans la culture soignante et son intĂ©rĂȘt novateur. Jâappliquerai mes rĂ©flexions Ă la situation spĂ©cifique des soins au des personnes en fin de vie, ouverture sur la dimension spirituelle2Lâaccompagnement des soignants en particulier dans des contextes de fin de vie relĂšve de lâart, Ă©tymologiquement accompagner est tout simplement partager son pain avec », cela semble trivial et souligne lâeffort de partage, en gĂ©nĂ©ral le temps du repas est un temps de communication, un temps convivial, partager son pain avec câest aussi accorder Ă lâautre un peu de ce qui peut nous ĂȘtre superflu pour lui offrir ce qui pour lui peut ĂȘtre vital. Lâaccompagnement est ensuite devenu lâexpression qui est traduite par cheminer avec ». 3Quel est lâenracinement de cet accompagnement dans lâhistoire des soins palliatifs ? Dans mon travail de fin dâĂ©tudes infirmiĂšres Besoins spirituels des personnes en fin de vie » Furstenberg, 2011 [2] jâai entamĂ© une recherche sur le sujet. 4Cicely Saunders pionniĂšre en soins palliatifs, fondatrice de St Christopherâs Hospice en 1967 Ă Londres, sâest attardĂ©e Ă prĂ©ciser comment sâintĂ©grait lâaccompagnement dans une dĂ©marche de prise en charge globale des patients. Les soins palliatifs ont bien rĂ©pondu Ă la demande dâĂ©coute et dâattention de la souffrance des personnes en fin de vie. Câest vraisemblablement parce que ce qui a Ă©tĂ© offert a rĂ©ussi Ă se dĂ©ployer comme un espace pour le cheminement du dĂ©sir fondamental qui habite lâĂȘtre humain, la quĂȘte dâaccomplissement. Lâoffre de soins palliatifs englobe donc les conditions nĂ©cessaires Ă ce que la vie se poursuive jusquâau bout, mais aussi la relation indispensable pour quâil en soit ainsi. 5Pour approcher la souffrance globale dont souffre le patient il faut avant tout avoir pour lui un regard global qui soit empreint dâattention et de prĂ©sence. Ce regard, cette relation instaurĂ©e par lui, ouvre dĂ©jĂ , avant toute action, un espace pour que lâautre puisse faire son chemin. 6Les interventions et les soins auprĂšs des patients ne doivent pas occuper tout lâespace, mais au contraire ouvrir lâespace pour permettre un cheminement, pour dĂ©gager la personne souffrante de ce qui lâempĂȘche dâĂȘtre prĂ©sente Ă ce qui lui advient et lâempĂȘche de vivre. 7Mais comment vivre cette attention, cette prĂ©sence et cette Ă©coute de la souffrance de lâautre sans un partage de ce qui se vit ? Pour pouvoir partager avec lâautre, il faut dĂ©jĂ connaĂźtre ses propres limites. Ce partage avec autrui doit ĂȘtre un lieu dâhumanisation pour soi et pour lâautre. Les soins palliatifs sont des lieux dâĂ©changes interhumains, la communication verbale et non verbale est le point dâancrage de la rencontre avec le patient. 8Cicely Saunders rappelle que le concept central des soins palliatifs est la souffrance globale. Une approche globale, qui tient compte de la dimension spirituelle qui en est le cĆur comme quĂȘte de sens, tente dây faire face. 9Cicely, cherchant Ă dĂ©finir ce quâest la dimension spirituelle, nous dit que lâesprit se dĂ©finit comme le principe vital qui anime lâhomme, le souffle de vie » Saunders, 4 [3]. 10Lâoffre spirituelle nâest pas une offre en plus, au-dessus de tout contrĂŽle des symptĂŽmes ou du soutien psychosocial, mais lâĂ©lĂ©ment qui dans ces offres prĂ©cises, maintient le souffle de vie. 11Lâoffre spirituelle est plus large que lâoffre religieuse. 12Si comme Cicely Saunders nous osons entrer dans ce que vit le mourant, si nous nous laissons toucher et provoquer par sa rĂ©alitĂ©, qui est aussi la nĂŽtre, si nous osons nous mettre en route pour nous dĂ©brouiller ensemble avec cette vĂ©ritĂ© », nous serons surpris de dĂ©couvrir Ă notre tour que la vie est beaucoup plus que nous pensions. 13Les valeurs les plus importantes se rĂ©vĂšlent autres que ce que nous croyions et faire face Ă lâĂ©preuve et Ă la mort peut nous rendre paradoxalement plus vivants. 14Ceci autorise Ă dire que la nature essentielle de la rĂ©ponse des soins palliatifs est spirituelle car les soins palliatifs offrent principalement un espace, une Ă©coute, une attention, des conditions pour que la vie puisse ĂȘtre vĂ©cue et dĂ©ployĂ©e jusquâau bout malgrĂ© la mort certaine. Ils offrent une recherche persĂ©vĂ©rante, espĂ©rante »⊠15Les travaux de Cicely Saunders ont permis aux soignants et aux formateurs dâapprofondir par la suite les rĂ©flexions relatives aux attitudes soignantes et de prĂ©ciser la distinction entre faire des soins et prendre soin, ou lâalliance des soins techniques et relationnels16Le concept du prendre soin sâest enracinĂ© dans notre culture soignante mĂȘme dans une pratique de plus en plus technique. LâinquiĂ©tude dâune prĂ©sence Ă lâautre, lors des soins, est une prĂ©occupation qui anime les infirmiĂšres et les formatrices pour que le milieu mĂ©dical reste humain. 17 Prendre soin » dâune personne est diffĂ©rent de faire des soins » Ă cette personne, souligne Walter Hesbeen, infirmier et docteur en santĂ© publique. 18La pratique des soins infirmiers sâinscrit dans une rencontre entre personne soignĂ©e et des personnes soignantes. Il sâagit pour les soignants de rencontrer une personne sur le chemin particulier de sa vie et de faire un bout de chemin avec elle, allant mĂȘme jusquâau bout du chemin ». Cette rencontre et le cheminement qui suit relĂšvent dâune relation riche qui permet dâaccompagner et dâĂȘtre accompagnĂ© par quelquâun en qui on a une certaine espĂ©rance. 19Cette rencontre requiert une prĂ©sence de lâun Ă lâautre et la reconnaissance de la diffĂ©rence qui permet le dialogue et la juste distance, le respect des valeurs de lâautre. 20Cette rencontre nĂ©cessite une dĂ©marche, celle que lâon peut appeler une dĂ©marche de soin » ou plus exactement une dĂ©marche du prendre soin ». Pour rĂ©ussir Ă ajuster ce mouvement qui porte vers lâautre, les professionnels sont invitĂ©s Ă dialoguer, Ă rĂ©flĂ©chir, Ă analyser, Ă identifier les Ă©lĂ©ments qui constituent la situation de vie dans laquelle ils vont intervenir. La dĂ©marche est celle qui permet dâĂ©laborer avec la personne soignĂ©e, et selon sa situation, ses proches, un projet de soin, câest-Ă -dire dâidentifier avec elle un horizon vers lequel elle souhaite progresser. La base de cette dĂ©marche, le premier objectif quâelle poursuit, est de tisser des liens de confiance avec la personne soignĂ©e. 21Tisser des liens de confiance fondĂ©s sur le respect de la personne et qui permettent de cheminer avec elle nĂ©cessite la conjugaison de huit Ă©lĂ©ments la chaleur, lâĂ©coute, la disponibilitĂ©, la simplicitĂ©, lâhumilitĂ©, lâauthenticitĂ©, lâhumour, la compassion. 22Les compĂ©tences scientifiques et techniques sont, bien entendu, nĂ©cessaires et elles sâinsinuent dans ces huit Ă©lĂ©ments sans pouvoir sây substituer. La recherche de sens est ce qui permet de faire les liens entre ces diffĂ©rentes donnĂ©es. 23LâĂ©valuation de la douleur par exemple pour les soignants qui interviennent au domicile est trĂšs complexe. DĂ©jĂ le passage fortuit journalier permet difficilement lâĂ©valuation sur les 24h. Lâattente du soignant peut ĂȘtre lâoccasion de majorer lâexpression de la douleur ponctuellement par souhait dâĂȘtre entendue. La personne peut aussi exprimer une douleur ponctuelle rĂ©elle qui parfois ne reflĂšte pas la rĂ©alitĂ© quotidienne. Les douleurs sont frĂ©quemment en lien avec certaines mobilisations ou soins. Les douleurs nocturnes peuvent-ĂȘtre augmentĂ©es par une angoisse croissante la nuit. La prĂ©sence des proches parasite parfois lâexpression de la douleur, pour des personnes qui sâexpriment difficilement il arrive que le conjoint rĂ©ponde rapidement, les projections personnelles ne sont pas anodines. LâanxiĂ©tĂ© de la personne et des proches en fin de vie peut ĂȘtre dissimulĂ©e et le soulagement de la douleur en lâoccurrence parfois inadaptĂ©. Les Ă©chelles de la douleur nociceptives et neuropathiques ne suffisent pas pour bien adapter le traitement. Le soignant par exemple peut constater une augmentation des bolus de morphine la nuit alors que la douleur en principe pour cette personne est majorĂ©e lors des mobilisations, dĂ©placements. Avec un peu de patience et dâĂ©coute le soignant dĂ©couvre que le patient a Ă©tĂ© gĂȘnĂ© par une incontinence nocturne, trempĂ© il cherchait Ă se lever pour se changer ou utiliser le pistoletââ. Une meilleure adaptation avec des protections circonstancielles permet ensuite un meilleur sommeil et lâutilisation des bolus nocturnes diminue. La prĂ©sence attentionnĂ©e du soignant permet lâexpression des difficultĂ©s. Avec un peu dâhumour pour dĂ©dramatiser les situations susceptibles de complexer ou culpabiliser, le soignant peut donner Ă la personne affectĂ©e par la dĂ©gradation de son image personnelle de retrouver la joie dâun contact simple qui demeure par de-lĂ la dĂ©gradation et qui parallĂšlement vise Ă conserver ce qui peut ĂȘtre prĂ©servĂ©. Des douleurs sont parfois majorĂ©es par des souffrances en lien avec lâaspect du corps qui se dĂ©grade, la vision de la tumeur qui grandit. Inversement certains cachent leur douleur ou ne lâexpriment pas par peur des traitements. Le discernement et lâadaptation au cas par cas nĂ©cessite beaucoup de finesse et dâĂ©changes dans la confiance. LâauthenticitĂ© du soignant rassure beaucoup. 24Lâattention Ă la personne soignĂ©e est cette capacitĂ© que lâon a de prendre soin » de quelquâun. 25La douceur permet aux professionnels de santĂ© dâagir comme vĂ©ritables vecteurs de sĂ©rĂ©nitĂ© pour le patient et donne lâoccasion de mettre en valeur, de promouvoir la caractĂ©ristique essentielle du soin infirmier, celle dâĂȘtre facteur de chaleur, de confort et de prise en compte de tant et tant de dĂ©tails qui sont si importants pour chaque patient mais diffĂ©rents pour chacun dâeux. 26LâinfirmiĂšre pour bien accompagner doit tendre vers lâautonomie et favoriser celle des autres. Elle doit se connaĂźtre et avoir la capacitĂ© de prendre soin dâelle-mĂȘme. 27Prendre soin est un art, celui qui rĂ©ussit Ă combiner des Ă©lĂ©ments de connaissance, dâhabiletĂ©, de savoir-ĂȘtre, dâintuition qui vont permettre de venir en aide Ă quelquâun, dans sa situation singuliĂšre. Lâart soignant pour des personnes en fin de vie ne sâimprovise pas, mĂȘme si certains manifestent des aptitudes manifestes spĂ©cifiques. Une formation, des capacitĂ©s de relecture, de discernement permettent de le cultiver. Les capacitĂ©s sont individuelles mais encore en interaction avec dâautres acteurs, les capacitĂ©s Ă travailler avec dâautres sont primordiales pour mieux ajuster les dĂ©cisions, Ă©viter la fusion relationnelle, prĂ©ciser et rĂ©adapter les objectifs et la dĂ©marche de soins. Lâobjectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptĂŽmes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. Les soins palliatifs et lâaccompagnement sont interdisciplinaires. Ils sâadressent au malade en tant que personne, Ă sa famille et Ă ses proches, Ă domicile ou en institution. La formation et le soutien des soignants et des bĂ©nĂ©voles font partie de cette dĂ©marche. » SFAP, 1996 [1] 28La responsabilitĂ© soignante comme rĂ©ponse Ă lâappel de lâAutre souffrant Furstenberg, 2011, 29-32 [4]. 29Le soignant a une position particuliĂšre dâaidant, il vient au secours dâune personne en dĂ©tresse, avec un problĂšme de santĂ©. Cette personne vulnĂ©rable lui est confiĂ©e, le soignant est responsable de cette personne. 30La responsabilitĂ© vient du latin respondare rĂ©pondre et dĂ©signe celui qui doit rĂ©pondre de ses actes. On peut la dĂ©finir ainsi assumer les consĂ©quences des actes que lâon commet ». On distingue habituellement la responsabilitĂ© juridique de la responsabilitĂ© morale. 31La responsabilitĂ© juridique est donc invoquĂ©e postĂ©rieurement Ă une action pour marquer une infraction au droit. Elle peut ĂȘtre Ă©voquĂ©e en amont dâune action pour rappeler au sujet les limites de cette action ou ses devoirs pour celle-ci. 32La responsabilitĂ© morale est cette attitude adaptĂ©e Ă lâautre qui engage le comportement du sujet dans lâaction. Le monde mĂ©dical est un milieu fragile, car dotĂ© dâune technique et une science dont nous ne maĂźtrisons pas toujours les tenants et les aboutissants. Les personnes malades ou vulnĂ©rables dâemblĂ©e se trouvent dans une position dâasymĂ©trie par rapport au soignant qui de par sa fonction, ses connaissances, a un certain pouvoir sur lui. Les dĂ©rives sont sournoises et pas toujours conscientes, portĂ©es par le stress de cette vie qui doit courir plus vite que le temps lui-mĂȘme ou une croyance parfois dĂ©mesurĂ©e au pouvoir de la science⊠33Les droits de la personne ĂągĂ©e par exemple rappellent les devoirs des soignants et lâinterdiction de transgression signifiĂ©e par la pĂ©nalisation. Le code de dĂ©ontologie âarticle 36, 37 et 38 - signifie aux mĂ©decins lâobligation dâinformer, de recueillir le consentement, dâaccompagner la personne en fin de vie, de devoir de soigner sans sâobstiner dĂ©raisonnablement et de les soulager sans provoquer dĂ©libĂ©rĂ©ment la mort. La loi du 4 mars 2002 et la loi du 22 avril 2005 signalent que le refus de soin du patient prĂ©alablement informĂ© de maniĂšre claire, loyale et appropriĂ©e doit ĂȘtre entendu et acceptĂ© â hormis dans certains cas prĂ©cis comme lâurgence vitale. Pour les personnes inconscientes, il convient dâavoir recours Ă la procĂ©dure collĂ©giale prĂ©cisĂ©e dans la loi du 22 avril 2005 dite de LĂ©onetti. La personne de confiance et les directives anticipĂ©es, si elles existent, participent au processus dĂ©cisionnel dont le mĂ©decin dĂ©tient la dĂ©cision finale. Le recours Ă des collĂšgues mĂ©decins extĂ©rieurs est sollicitĂ©. Les soignants qui gravitent au plus prĂšs du sujet ĂągĂ©, les infirmiĂšres et les aides-soignantes en particuliers, les paramĂ©dicaux et surtout les proches forment la trame de son histoire, de ses souhaits et de ses dĂ©sirs. Le soutien et la contribution de chacun des soignants et des proches permettent dâĂ©laborer la dĂ©marche de soin du sujet ĂągĂ© centrĂ©e sur le discernement de ses volontĂ©s rĂ©ajustĂ©es Ă la rĂ©alitĂ©. LâinfirmiĂšre, dans sa participation au processus dâinformation et de recherche de consentement de la personne ĂągĂ©e, dans sa contribution au processus dĂ©cisionnel, dans la rĂ©alisation des prescriptions et ses rĂ©actions ou réévaluation de lâindication et de lâefficacitĂ© des traitements avec le mĂ©decin, voit sa responsabilitĂ© constamment sollicitĂ©e. Pour les personnes ĂągĂ©es Ă mi-chemin entre la conscience et lâinconscience, prĂ©sentes parfois, parfois incohĂ©rentes ou dont le consentement nâest pas explicite, il convient dâavoir recours Ă la procĂ©dure collĂ©giale pour Ă©viter les dĂ©cisions trop promptes ou trop alĂ©atoires, ou rĂ©sultantes dâune rĂ©action singuliĂšre dĂ©mesurĂ©e face Ă lâimage du corps souffrant de lâautre, lâobstination dĂ©raisonnable ou lâaccĂ©lĂ©ration de la mort peuvent en rĂ©sulter. Les concepts Ă©thiques dĂ©veloppĂ©s par la SFAP SociĂ©tĂ© française dâaccompagnement et de soins palliatifs des soins palliatifs Les soins palliatifs et lâaccompagnement considĂšrent le malade comme un ĂȘtre vivant, et la mort comme un processus naturel. Ceux qui dispensent des soins palliatifs cherchent Ă Ă©viter les investigations et les traitements dĂ©raisonnables communĂ©ment appelĂ©s acharnement thĂ©rapeutique. Ils se refusent Ă provoquer intentionnellement la mort. Ils sâefforcent de prĂ©server la meilleure qualitĂ© de vie possible jusquâau dĂ©cĂšs et proposent un soutien aux proches en deuil. Ils sâemploient par leur pratique clinique, leur enseignement et leurs travaux de recherche, Ă ce que ces principes puissent ĂȘtre appliquĂ©s. » SFAP, 1996 [1]. 34La responsabilitĂ© sauvegarde la dignitĂ©. Il est bon de sâarrĂȘter pour peser cette responsabilitĂ© et considĂ©rer lâhumanitĂ© Ă prĂ©server, sa dignitĂ© Ă sauvegarder. La dignitĂ© est ce qui est dĂ» Ă lâĂȘtre humain pour le seul fait dâĂȘtre humain » Raymond, 1988, [5]. Armelle Debru nous rappelle lâanciennetĂ© du terme En remontant Ă lâemploi ancien des termes, on trouve souvent un noyau de sens rĂ©manent qui nous Ă©claire, et une distance qui nous fait rĂ©flĂ©chir. Mot latin, la dignitĂ© dignitas a dâabord eu un sens politique et social dâappartenir au groupe de la morale. CâĂ©tait la qualitĂ© de celui qui avait fait preuve de valeur et qui mĂ©riterait par lĂ des marques de respect et de reconnaissance. » Debru, 2007, 243-247 [6]. 35La sauvegarde de la dignitĂ© est un principe constitutionnel. Cette dignitĂ© confĂšre Ă lâhomme le droit au respect et son fondement en est lâimpĂ©ratif catĂ©gorique kantien Agis de façon telle que tu traites lâhumanitĂ©, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en mĂȘme temps comme fin, et jamais simplement comme un moyen. » Toute personne vulnĂ©rable risque de voir cette dignitĂ© entamĂ©e par le pouvoir Ă©ventuel dâun autre sur lui. Il convient donc de la protĂ©ger. LâĂ©thique vient donc rĂ©pondre Ă cette demande de protection. 36La responsabilitĂ© vient donc comme rĂ©ponse Ă la protection de la personne vulnĂ©rable et Ă lâĂ©thique comme visĂ©e de la vie bonne avec et pour autrui dans des Institutions justes » RicĆur, 1990 [7]. Elle est le fondement de lâĂ©thique. ResponsabilitĂ© vient de rĂ©pondre. Emmanuel LĂ©vinas nous livre ses pensĂ©es sur la responsabilitĂ© comme rĂ©ponse Ă lâappel de lâautre Je pense que la souffrance est lâenfermement, la condamnation Ă soi-mĂȘme, et pourtant, dans la souffrance, il y a un cri, un soupir, une plainte ⊠Le mĂ©decin est celui qui entend cette plainte. Par consĂ©quent, dans ce secours Ă lâautre, Ă ce premier appel de lâautre, la premiĂšre rĂ©ponse est peut-ĂȘtre une rĂ©ponse de mĂ©decin. Je ne dis pas que tout le monde est mĂ©decin par rapport Ă tout autre, mais bien certainement, cette attente mĂ©dicale de lâautre constitue une des racines trĂšs profondes de la relation interhumaine. » LĂ©vinas, 1986, 43 [8] Câest dans ce rapport Ă lâautre, qui naĂźt du dialogue primaire de lâappel et de la rĂ©ponse, que sâinscrit la responsabilitĂ© comme souci et que lâattention Ă lâautre soit la forme ultime de la sollicitude. Lâautre apparaĂźt comme Visage, Visage qui est parole. Le Moi ne peut avoir aucune emprise sur ce visage, celui-ci se donne dans la nuditĂ© sans dĂ©fense », un regard qui doit ĂȘtre regardĂ©, une parole, un logos Tu ne tueras pas » qui doit ĂȘtre respectĂ©. Le visage de lâautre câest mon prochain, mon frĂšre en humanitĂ©, incarnĂ©. Lâautre mâappelle et mâinvoque, de par sa prĂ©sence, sa pauvretĂ©. Le Moi rĂ©pond. Autrui permet au moi de rĂ©aliser son dĂ©sir par la gĂ©nĂ©rositĂ©. Ce dĂ©sir est notre socialitĂ© ».37Le terme de sollicitude est employĂ© dans la philosophie de Paul RicĆur. La sollicitude est spontanĂ©itĂ© bienveillante, soucieuse de lâaltĂ©ritĂ© des personnes, intimement liĂ©e Ă lâestime de soi au sein de la visĂ©e bonne » RicĆur, 1990, 222 [7]. Elle est au cĆur de lâĂ©thique quâil dĂ©finit comme visĂ©e de la vie bonne avec et pour autrui dans des Institutions justes ». Elle se distingue de la responsabilitĂ© dĂ©crite par Emanuel LĂ©vinas car la relation entre moi et autrui est pour lui asymĂ©trique, dâemblĂ©e Autrui le vulnĂ©rable, la veuve, lâorphelin » se situe dans la hauteur et appelle, le Moi est le sujet responsable qui rĂ©pond et est appelĂ© Ă ĂȘtre le gardien de son frĂšre ». 38La sollicitude est le lien de bienveillance qui se crĂ©e avec autrui dans une rĂ©ciprocitĂ© des insubstituables. Ce lien nâaltĂšre en rien lâespace vital de chaque personne, au contraire il le restaure et le soutient. Câest lĂ que la proximitĂ© et la distance paradoxalement peuvent se rejoindre. La sollicitude invite Ă la proximitĂ©. La prĂ©sence est aidante, lorsquâelle soutient tout en nâaccaparant pas lâespace dĂ©cisionnel de lâautre, lorsquâelle conserve cette distance relationnelle qui est le reflet du respect de lâaltĂ©ritĂ©. Ceci est un exercice. La prĂ©sence proche de lâautre souffrant peut aussi menacer la tranquillitĂ© du Moi et alors aussi susciter lâagressivitĂ© lorsque la sensibilitĂ© est exacerbĂ©e. Câest lĂ que les mesures communes de justice sont lĂ pour tempĂ©rer la dĂ©-mesure de la relation singuliĂšre. Le tiers intervient lĂ comme rĂ©gulateur et modĂ©rateur. La proximologie est une nouvelle discipline dont le but est dâamĂ©liorer la relation du monde soignant avec lâentourage des personnes malades et dâapporter un soutien aux proches des patients, quâil sâagisse de membres de sa famille, de son conjoint ou dâamis. Elle tente de mieux partager les savoirs, de mieux coordonner les interventions, de mĂ©nager les familles et les proches dans la durĂ©e, de les rassurer, de les soutenir tout au long de lâĂ©preuve de la maladie. La sollicitude y trouve lĂ sa juste place, la proximitĂ© avec une attitude ajustĂ©e nâest pas Ă©touffante si elle sait reconnaĂźtre et respecter lâespace intime de chacun et si la prĂ©sence et lâĂ©change sont accueillis par la personne. Câest lĂ que les relectures et une bonne connaissance de soi permettent dâĂ©viter des projections inconscientes et parfois accaparantes. Cette proximitĂ© devient chemin dâhumanitĂ© 39 ⊠à travers les gestes de sollicitude qui font entendre au soignĂ© ce quâil a perdu le sens de sa dignitĂ© et le sentiment dâĂȘtre toujours respectable ; ils le soutiennent dans lâacceptation de lui-mĂȘme et le restaurent dans le respect et lâestime de soi. Ce faisant ils humanisent en mĂȘme temps le soignant qui se tient en sa proximitĂ© et le soutient dans lâĂ©preuve de son propre corps » 40La sollicitude, lâintimitĂ© et la discrĂ©tion professionnelle sont en Ă©troite connivence. 41Les soignants, au domicile par exemple, sont en Ă©troite relation avec le patient et ses proches car ils entrent dans leur environnement vital qui est aussi en quelque sorte reflet de leur vie personnelle. Lâagencement de la maisonnĂ©e, son parfum et sa couleur, lâouverture exigĂŒe sur un jardin fleurie, les photos ou les cadres de-ci delĂ traduisent en quelque sorte lâhistoire de la famille que la parole et les Ă©changes, pas Ă pas, complĂštent⊠LâintimitĂ© rĂ©fĂšre gĂ©nĂ©ralement au sentiment dâassociation personnelle proche avec autrui. Elle se rapporte Ă une connexion familiĂšre et affectivement trĂšs Ă©troite avec dâautres en rĂ©sultat Ă un certain nombre dâexpĂ©riences communes. LâintimitĂ© vĂ©ritable demande des Ă©changes, de la transparence, de la rĂ©ciprocitĂ© et incidemment une certaine vulnĂ©rabilitĂ©. 42LâatmosphĂšre du lieu dâhabitation donne dâapprĂ©hender la personne soignĂ©e dans son environnement social et culturel. EnracinĂ©e dans un contexte que le soignant peut voir, sentir, percevoir, la personne est considĂ©rĂ©e dâemblĂ©e de maniĂšre globale dans ses dimensions physiques, psychiques, sociales, culturelles et spirituelles. La considĂ©ration de la personne dans sa globalitĂ© telle que le prĂ©conisait si justement Cicely Saunders trouve lĂ toute son expression. Quelle est sa demande de soins et ses besoins dans son contexte de vie ? Quelles sont les interfĂ©rences possibles entre sa souffrance morale et son environnement social ? Quelles sont ses aspirations dans ces instants prĂ©caires que la maladie avancĂ©e ou chronique rend intenses ? Autant de questions que la plongĂ©e dans le milieu de vie peut aider Ă discerner ou offrir des Ă©lĂ©ments aidants qui ont besoin de temps et de discrĂ©tion pour permettre le soutien dans ce chemin de vie qui demeure pour le patient et ses proches. La discrĂ©tion professionnelle, la pudeur et le respect sont des obligations ancestrales pour tout soignant dont on retrouve les racines dans le serment dâhypocrate Dans quelque maison que je rentre, jây entrerai pour lâutilitĂ© des malades, me prĂ©servant de tout mĂ©fait volontaire et corrupteur, et surtout de la sĂ©duction des femmes et des garçons, libres ou esclaves. Quoi que je voie ou entende dans la sociĂ©tĂ© pendant, ou mĂȘme hors de lâexercice de ma profession, je tairai ce qui nâa jamais besoin dâĂȘtre divulguĂ©, regardant la discrĂ©tion comme un devoir en pareil cas. » 43Câest lĂ que lâespace vital ou lâespace Ă©thique est nĂ©cessaire pour prĂ©server Ă chacun son intimitĂ© et Ă©viter lâintrusion, la fusion dans la relation soignant-soignĂ© qui nĂ©cessite tact, ajustement et discrĂ©tion. Si la confiance sâinstaure lorsque les liens sont tissĂ©s, elle est renforcĂ©e dans lâintimitĂ©. Comme adjectif, intime » peut aussi rĂ©fĂ©rer une notion de profondeur, tel une connaissance ou une maĂźtrise intime dâun sujet. Les conseils du soignant peuvent ĂȘtre lâancrage tant dĂ©sirĂ© pour soutenir lâespĂ©rance, les moments de rĂ©confort, dâapaisement. Mais paradoxalement cette confiance est lĂ aussi dâautant plus fragilisĂ©e que les personnes sont Ă fleur de peau » devant cette menace persistante et insidieuse de la mort du proche. 44La sphĂšre de lâintime sâavĂšre dĂ©licate dâautant plus que la personne fragile nĂ©cessite des soins intimes tels que la toilette matinale, des massages, des sondages⊠La pudeur et le respect, lâinformation, protĂšgent le soignĂ© de la violence qui peut Ă©maner de lâintrusion dans son espace personnel. Il sâagit dâune attention Ă lâautre, faite de pudeur, de respect des besoins et de limites de chacun, sans infantilisation aucune » Prayez et Loraux, 2006, 51 [10]. Lâacceptation ou la coopĂ©ration de la personne malade dans la rĂ©alisation des soins permet dâinstaurer, voire de confirmer, le lien qui peut ĂȘtre dĂ©crit comme alliance de soin entre le soignant et le soignĂ©. Une proximitĂ© physique et psychique de sĂ©curitĂ©, dans un bien-ĂȘtre partagĂ©, câest une expĂ©rience dâintimitĂ© confiante et respectueuse qui se vit Ă travers des contacts agrĂ©ables et apaisants » Laure Marmilloud, 2007, [9] La sollicitude, encore dĂ©finie par Paul RicĆur comme forme que prend la sagesse pratique dans la rĂ©gion des relations interpersonnelles » RicĆur, 1990, 318 [7] suscite cette disposition attentive du soignant pour ajuster les soins quotidiennement. La prĂ©sence aidante ajustĂ©e du soignant vis-Ă -vis du soignĂ©, relĂšve de lâart et nĂ©cessite connaissance, intuition, savoir faire et savoir ĂȘtre. Câest peut-ĂȘtre lĂ lâĂ©preuve suprĂȘme de la sollicitude, que lâinĂ©galitĂ© de puissance vienne Ă ĂȘtre compensĂ©e par une authentique rĂ©ciprocitĂ© dans lâĂ©change, laquelle, Ă lâheure de lâagonie, se rĂ©fugie dans le murmure partagĂ© des voix ou lâĂ©treinte dĂ©bile des mains » RicĆur, 1990, 223 [7]. 45La sollicitude est une source de bienfaisance ou de bienveillance qui soutient, câest une attitude soignante en elle-mĂȘme qui de plus est Ă cultiver en sociĂ©tĂ© non seulement dans la sphĂšre de lâintime mais encore dans la sphĂšre publique. Elle donne Ă lâEthique souffle et vie. Elle prĂ©sente cet avantage de situer les ĂȘtres Ă un mĂȘme niveau tout en concevant la singularitĂ© de chacun. Elle donne au soignant de donner dans cette prĂ©sence attentive mais encore de recevoir lâaccueil de lâautre et son partage, câest dans cet Ă©change relationnel que se fraie un chemin dâhumanitĂ©, Ă la fois fragile et solide, Ă cultiver. PoĂšme46 La sollicitude,Le souffle de vieDans la main de lâami,Sauve de la attentionnĂ©e et frĂȘle,Soutien dans lâincertitude,Sourire qui donne des ailes,Chaleur lumineuse de lâinterlude ;Compagnie sur les sentiers arides,PrĂ©sence ouverte sur lâinfinitude,Rencontre vitale - entre lâespace vide-De deux ĂȘtres fragiles dans leur prĂ©lude ;Le clair obscur dans le passĂ© et son Ă©paisseur,Lâunion dans lâĂ©lan de lâavenir vers la hauteur,La pose dans lâinstant prĂ©sent de la profondeur,La jonction dans la sĂ©paration, enfin la plĂ©nitude ;La rĂ©surgence de la solidaritĂ© tombĂ©e en dĂ©suĂ©tude,La consolation assidue dans les vicissitudes,La douceur parfumĂ©e dans lâamertume,Le baume qui apaise et assume⊠à douce sollicitude !⊠Opportune ! »
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INTRODUCTION 1 La prĂ©sente contribution sâappuie sur un travail de recherche effectuĂ© auprĂšs dâaides-soignantes q ... 2 Sâagissant dâune profession trĂšs fortement fĂ©minisĂ©e, nous Ă©crirons lâaide-soignante » et les ... 1Les aides-soignantes2 constituent lâun des premiers maillons de la chaĂźne des professionnels qui gravitent autour des personnes ĂągĂ©es dites dĂ©pendantes ». Il sâavĂšre pourtant que, du moins pour le moment, les sociologues se sont encore trop peu intĂ©ressĂ©s Ă elles. 2Contrairement Ă la majoritĂ© des professionnels de la santĂ©, les aides-soignantes ne retirent pas ou peu de profits symboliques liĂ©s Ă leur mĂ©tier. Elles ressortent dâune profession non rĂ©glementĂ©e qui, par consĂ©quent, ne relĂšve pas, du Code de la santĂ© publique. De plus, comme le souligne Anne-Marie Arborio 2001 Les normes juridiques qui dĂ©finissent cet emploi sont des arrĂȘtĂ©s, plus rarement des dĂ©crets, et souvent des circulaires non publiĂ©s au Journal Officiel, câest-Ă -dire des normes infĂ©rieures Ă celles qui dĂ©finissent notamment la profession dâinfirmiĂšre ou celle de mĂ©decin ». Aussi, on constate que la rĂ©munĂ©ration des aides-soignantses nâest pas trĂšs Ă©levĂ©e un peu plus que le SMIG ; or, le mĂ©pris pour une fonction se marque dâabord par la rĂ©munĂ©ration plus ou moins dĂ©risoire qui lui est accordĂ©e » Bourdieu, 1998. 3Le qualificatif mĂȘme dâ aide-soignante » est rĂ©vĂ©lateur de son statut de subordonnĂ©e ; ainsi Anne-Marie Arborio 2001 fait remarquer que Ce nâest pas sur un dĂ©coupage selon des caractĂ©ristiques techniques, ni sur un dĂ©coupage fonctionnel quâest fondĂ© le choix de ce nom. Contrairement Ă ce que pourrait laisser penser lâusage du masculin "aide-soignant" et du fĂ©minin "aide-soignante", "soignante" ne joue pas ici le rĂŽle dâun adjectif qualifiant lâaide, le servant. Câest dâabord la position hiĂ©rarchique de lâaide-soignante que le nom "soignante" met en avant, sa fonction nâayant de sens que par rapport au soignant professionnel auquel elle est subordonnĂ©e. Lâappellation du mĂ©tier aurait pu mettre en avant lâassistance, lâaide apportĂ©e aux malades [...] puisque le rĂŽle de lâaide-soignante apparaĂźt au moins autant comme une aide aux soignĂ©s quâaux soignants ». 4Les aides-soignantes ont rĂ©guliĂšrement pour tĂąche dâeffectuer les toilettes, notamment celles des personnes ĂągĂ©es en perte dâautonomie. Sous cet angle, leur rĂŽle est dâautant plus important que lâhygiĂšne nâest pas quâune affaire de santĂ© ; car, comme le fait remarquer Norbert Ălias 1973, la propretĂ© est dâabord sociale. Elle passe par le regard des autres ; en rĂ©alitĂ©, la propretĂ© est en elle-mĂȘme un rapport a lâautre Il semble Ă©vident quâon se nettoie seulement par Ă©gard pour les autres... ». LâhygiĂšne est donc un Ă©lĂ©ment important de la vie sociale et de la socialisation ; elle est ... extrĂȘmement importante comme symptĂŽme dâun reste de vitalitĂ©, et nĂ©cessaire comme instrument de survie morale » Primo Levi, 1976. 5Les aides-soignantes ont un rĂŽle relationnel incontestable quâelles ont Ă cĆur de rappeler. Celui-ci a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© par toutes les aides-soignantes enquĂȘtĂ©es ; comme le souligne lâune dâentre elles Moi je pense que la chose la plus importante, câest la relation quâon peut avoir avec la personne ĂągĂ©e. Parce que bon, le savoir-faire on peut suivre une formation mais il faut avoir cette approche, cette petite chose quoi. Donc, ce qui compte surtout câest le cĂŽtĂ© relationnel ; ĂȘtre sociable, Ă lâĂ©coute câest trĂšs important parce que la personne ĂągĂ©e câest une personne qui a besoin dâĂȘtre Ă©coutĂ©e, qui a besoin de parler ». 6Bien que traditionnellement le travail des aides-soignantes soit dĂ©fini par les gestes quâelles doivent accomplir sur le corps des personnes ĂągĂ©es, lorsque ces derniĂšres parlent de leur travail, elles prĂ©fĂšrent insister sur la relation verbale Ă travers laquelle ces gestes sont rĂ©alisĂ©s. Des propos recueillis auprĂšs des aides-soignantes, il ressort nettement que, dans lâexercice de leur mĂ©tier, des compĂ©tences relationnelles sont indispensables. Ă ce sujet Anne-Marie Arborio 2001 fait une remarque trĂšs pertinente La faible technicitĂ© des tĂąches de lâaide-soignante fait du "relationnel" non seulement une façon commode de rĂ©sumer le contenu de ses tĂąches devant autrui mais aussi un des rares moyens de valorisation ». 3 Comme lâĂ©crit P. Molinier 2006, conceptualisĂ© par Hughes, le dirty work dĂ©signe des tĂąches qui ... 7Le travail des aides-soignantes allĂšge celui des infirmiĂšres des tĂąches considĂ©rĂ©es comme Ă©tant les moins nobles et les plus ingrates du travail de care ». Ces tĂąches les plus ingrates appartiennent Ă la catĂ©gorie du dirty work » sale boulot » littĂ©ralement3. Dans cette perspective, ayant la charge des toilettes, les aides-soignantes sont perçues comme exerçant un travail peu valorisant ; ce, dâautant que dans lâinconscient collectif les femmes qui lavent pour les autres, ne bĂ©nĂ©ficient pas dâune rĂ©putation trĂšs honorable. Elles nettoient la saletĂ© du monde et cette saletĂ© est tout autant morale que physique [...]. Les liens sont Ă©troits entre le sale et la mort. On a souvent soulignĂ© les mauvaises odeurs, celles qui rĂ©pugnent et quâon associe le plus immĂ©diatement avec la saletĂ©, sont celles du pourrissement, voire mĂȘme du cadavre... » Denefle, 1995. 4 Comme le souligne la contribution dâĂliane Le Dantec, les personnes ĂągĂ©es enquĂȘtĂ©es disent toujour ... 8En revanche, si la saletĂ© reprĂ©sente symboliquement la mort, la propretĂ© est logiquement associĂ©e Ă la vie. DĂšs lors, nous pouvons retenir quâĂ chaque toilette, les aides-soignantes apportent symboliquement un peu de vie aux patients ĂągĂ©s. Cependant, cela ne leur est pas du tout reconnu, loin sâen faut !... Comme lâindique le titre de lâouvrage dâAnne-Marie Arborio 2001, les aides-soignantes forment un personnel invisible ». Dâailleurs, on parle trĂšs rarement des aides-soignantes dans les mĂ©dias Ă lâinverse des infirmiĂšres. Lorsque des aides-soignantes sont interviewĂ©es, elles sont souvent prises pour des infirmiĂšres4. 9Les aides-soignantes sont situĂ©es au bas de la hiĂ©rarchie des mĂ©tiers paramĂ©dicaux et nombreux sont ceux qui considĂšrent que Leurs tĂąches anciennes dâassistance relĂšvent [...] plus de savoir-faire domestiques [traditionnellement dĂ©volus aux femmes] [le nettoyage, lâhĂ©bergement] que de la science mĂ©dicale » Arborio, 2001. Leurs tĂąches sont identifiĂ©es comme Ă distance des tĂąches mĂ©dicales plus techniques et bien plus valorisĂ©es socialement. 5 La notion de burden fardeau ou encore charge est arrivĂ©e en France notamment par le truchement d ... 10Ăprouvant un profond besoin de reconnaissance, les aides-soignantes trouvent dans la relation dâaide ânotamment auprĂšs des personnes ĂągĂ©es â une compensation Ă des tĂąches ingrates et dĂ©valorisĂ©es. Mais cette compensation reste limitĂ©e dans la mesure oĂč elles souffrent dâĂȘtre dâemblĂ©e rattachĂ©es Ă une expĂ©rience nĂ©gativement perçue. En effet, dans notre sociĂ©tĂ© contemporaine, lâaide apportĂ©e aux personnes ĂągĂ©es est principalement envisagĂ©e comme unilatĂ©rale puisque celles-ci sont considĂ©rĂ©es comme des fardeaux pour les aidants mais aussi pour la sociĂ©tĂ© tout entiĂšre5. 6 Câest depuis les annĂ©es 1970, quâen France, on parle de personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes ». 11Suivant cette approche, quand elle est associĂ©e aux personnes ĂągĂ©es, la dĂ©pendance6 est considĂ©rĂ©e comme un attribut de la personne et non comme une interaction. Or, si au cours des entretiens effectuĂ©s auprĂšs des aides-soignantes, toutes ont particuliĂšrement mis lâaccent sur lâaspect relationnel de leur mĂ©tier, câest bien que la relation dâaide implique une rĂ©ciprocitĂ©, et ces Ă©changes avec les personnes ĂągĂ©es sont une compensation aux reprĂ©sentations sociales associĂ©es Ă leur mĂ©tier mais aussi aux difficultĂ©s effectives de leurs tĂąches. 12Afin dâapprofondir les Ă©lĂ©ments de cadrage de lâactivitĂ© professionnelle des aides-soignantes qui viennent dâĂȘtre rapidement relevĂ©s et en nous appuyant Ă©troitement sur les informations recueillies au cours de lâenquĂȘte par entretiens semi directifs que nous avons menĂ©e, deux aspects vont ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s. Tout dâabord, nous souhaitons montrer que ce nâest pas, en prioritĂ©, le degrĂ© de dĂ©pendance » des personnes ĂągĂ©es mais, bien davantage, les conditions dâemploi et de travail des aides-soignantes qui influent fortement sur lâunilatĂ©ralitĂ© » ou la rĂ©ciprocitĂ© de la relation dâaide, sur lâintensitĂ© du besoin de reconnaissance Ă©prouvĂ© par ces derniĂšres comme sur la compensation ou la non compensation de la caractĂ©ristique dâingrates » communĂ©ment attachĂ©e aux tĂąches que ces professionnelles accomplissent au quotidien I. Puis, nous nous intĂ©resserons aux incidences de ces conditions dâemploi et de travail sur la maniĂšre dont les aides-soignantes vivent leurs relations aux autres professionnels intervenant auprĂšs des personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes, que ce soit en institution ou Ă domicile II. Notre ambition est de poser quelques jalons pour ouvrir une rĂ©flexion articulĂ©e sur la rĂ©alitĂ© et les enjeux de lâefficacitĂ© sociale de lâaide apportĂ©e aux vieux » dans notre sociĂ©tĂ© contemporaine ainsi que sur la sĂ©curitĂ© de vie dont bĂ©nĂ©ficient les travailleurs chargĂ©s de donner forme et contenu Ă cette aide. I. DES AIDES-SOIGNANTES MAINTENUES AU BAS DE LâĂCHELLE » 13Alors que, comme nombre de salariĂ©s aujourdâhui, les aides-soignantes travaillant auprĂšs des personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes sont sommĂ©es de dĂ©ployer des compĂ©tences relationnelles requerrant une implication importante de soi au travail, elles conservent un statut dâemploi dĂ©valorisĂ©, les maintenant au bas de lâĂ©chelle » Cours-Salies, Le Lay, 2006 sans vĂ©ritable perspective effective dâamĂ©lioration. Les conditions de travail difficiles attachĂ©es Ă leur position au bas de lâĂ©chelle » et dont lâurgence temporelle est la principale dimension gĂ©nĂšrent une souffrance qui se noue notamment dans la culpabilitĂ© de ne pas pouvoir vĂ©ritablement susciter, pendant quâelles font concrĂštement leur travail, une interaction apte Ă prendre en compte la vieille personne en fin de vie, Ă entendre celle-ci dire ses dĂ©sirs et frustrations. De notre enquĂȘte, il ressort que cette souffrance, Ă la fois, imposĂ©e et auto imposĂ©e, est toutefois plus marquĂ©e en institution quâĂ domicile. Les aides-soignantes en institution du petit personnel » cantonnĂ© Ă la discrĂ©tion 14Dans les entretiens rĂ©alisĂ©s âtous spĂ©cialement ceux Ă©voquant lâexercice du mĂ©tier dâaide-soignante en institutionâ, le qualificatif petit » a Ă©tĂ© souvent mobilisĂ© pour mettre en mots le travail dans ses diffĂ©rentes composantes. Ă propos de leur fonction technique et hiĂ©rarchique de prescription en direction des aides-soignantes, les infirmiĂšres Ă©voquent les petits pansements » quâelles peuvent leur demander de faire et la petite progression » quâelles peuvent obtenir des patients ĂągĂ©s, Ă condition quâelles y mettent du leur !... Quant aux aides-soignantes elles-mĂȘmes, elles soulignent leur satisfaction de parvenir Ă Ă©tablir tout de mĂȘme une petite relation » avec les personnes ĂągĂ©es. Plus gĂ©nĂ©ralement, elles ressentent leur travail en termes de petite routine » avec pleins de petits trucs » et de petites choses ». 15Cette thĂ©matique du petit » innervant le dit entendu » sur notre terrain nous paraĂźt complĂ©ter lâanalyse de Lise Causse 2006 qui montre, quâĂ force dâĂȘtre dĂ©valorisĂ© et occultĂ©, le travail des aides-soignantes les cantonne Ă une posture de petit personnel », bien sĂ»r aux yeux des autres mais aussi des leurs. Dans les entretiens, le vocable petit » fonctionne constamment avec un double sens. De maniĂšre paradoxale, il exprime, dâun cĂŽtĂ©, le dĂ©ni de valeur accordĂ© aux pratiques et ressentis des travailleurs de peu et, de lâautre, les bribes de possible rĂ©ciprocitĂ© volĂ©es, sur le fil du rasoir, Ă la logique implacable du dĂ©ni. Quand travailler câest enchaĂźner les toilettes au pas cadencĂ© !... 16En maisons de retraite, ou encore en services hospitaliers de longs sĂ©jours, les conditions de travail des aides-soignantes sont souvent difficiles. Dans ces structures, il semble que les aides-soignantes et les personnes ĂągĂ©es ressentent une souffrance commune qui, au cours des entretiens, a frĂ©quemment Ă©tĂ© mise en mots en terme de dĂ©ni de la dimension humaine Je veux pas aller en service car ce cĂŽtĂ© dâĂȘtre sociable, humain ça existe pas en service » une aide-soignante. 17Nombre dâinstitutions manquent de personnel, il en rĂ©sulte une charge de travail trop importante pour lâensemble du personnel mĂ©dical et paramĂ©dical. Ainsi, en ce qui concerne leurs conditions de travail en institution, les aides-soignantes rencontrĂ©es lors des entretiens sont unanimes le temps manque cruellement. En institution, ben on va dire quâon nâa pas le temps quoi ! ». En effet, en institution il nâest pas rare quâune aide-soignante soit chargĂ©e dâeffectuer 15 toilettes en une matinĂ©e En 3 heures jâavais 15 toilettes Ă faire, et des douches la plupart du temps, donc câĂ©tait 15 douches. CâĂ©tait Ă la va-vite... ». 18De mĂȘme, en ce qui concerne le travail de nuit, une aide-soignante raconte 7 Alors quâil devrait y avoir en moyenne une aide-soignante pour trois rĂ©sidents. Oui câest comme ça, par exemple en longs sĂ©jours on Ă©tait deux pour 120 personnes7. Ils voulaient pas quâon soit trois, pourtant on avait fait une demande pour quâon ait au moins une infirmiĂšre, mais ils ont pas voulu. [...] Mais la nuit, des fois, on trouvait que câĂ©tait long, quand on a une urgence. Ăa mâest arrivĂ© que la personne a failli mourir dans mes bras, jâai trouvĂ© le temps trĂšs long et quand le mĂ©decin sâest dĂ©placĂ© "ah ! ! bon vous avez su faire" sur un ton sarcastique. Je lui ai rĂ©pondu "heureusement parce que je veux dire..."VoilĂ , la nuit y a des moments câĂ©tait long, si on savait pas gĂ©rer y aurait eu beaucoup plus de morts. La nuit ça nous apprend Ă gĂ©rer lâurgence, mais je trouvais que câĂ©tait long quand mĂȘme ». Avant, on avait des mĂ©decins de garde qui Ă©taient Ă lâhĂŽpital, mais bon comme on dit manque de moyens et maintenant ils sont chez eux. Donc quand y a des urgences, il se passe quand mĂȘme une demi-heure avant que le mĂ©decin arrive, le temps du trajet de son domicile Ă lâhĂŽpital. Et donc, moi câest ce qui câĂ©tait passĂ©, le mĂ©decin avait une demi-heure de route, une demi-heure que jâai trouvĂ©e interminable. Et quâavant câest vrai, ils Ă©taient sur place, ils dormaient Ă lâhĂŽpital, donc en deux minutes ils arrivaient. Et puis bon, lĂ maintenant on est obligĂ© dâattendre un quart dâheure, une demi-heure et puis bon des fois, câest vrai quâils jugent que ça peut attendre, mais bon on nâest pas mĂ©decin ». 19Le manque de personnel tend Ă accentuer le caractĂšre rĂ©pĂ©titif du travail des aides-soignantes. Voici ce que dit une infirmiĂšre Ă propos du travail â notamment des aides-soignantes â dans un service de longs sĂ©jours spĂ©cialisĂ© en gĂ©riatrie ,..Câest tous les jours la mĂȘme chose, la plupart du temps avec les mĂȘmes patients, puisquâon est dans le long sĂ©jour. Câest trĂšs rĂ©pĂ©titif, il y a lâusure qui sâinstalle [...]. Mais dâun autre cĂŽtĂ© les aides-soignantes qui sont en service, plus technique on va dire, mĂȘme si je nâaime pas, y a pas de service technique et non technique, elles voient beaucoup plus de choses, mĂȘme si elles font la mĂȘme chose, mĂȘme si elles font que les toilettes, elles voient des choses diffĂ©rentes. Tandis quâen gĂ©riatrie câest pratiquement toujours pareil... ». 20Durant les entretiens, les aides-soignantes ont Ă©tĂ© nombreuses Ă qualifier leur travail en institution auprĂšs de personnes ĂągĂ©es de travail Ă la chaĂźne », et se comparent Ă des machines » ,.. Dans la maison de retraite câest Ă la chaĂźne. Je veux dire quâon enchaĂźne les toilettes, enfin lĂ oĂč jâĂ©tais en dernier, mais câest partout pareil parce que jâen ai fait plusieurs. On commence Ă 7 h du matin et on finit les toilettes Ă 11 h 30 mais on nâa pas le temps... ». 21Une infirmiĂšre qui a travaillĂ© dans une unitĂ© de soins en longs sĂ©jours, sâexprime sur ce sujet et fait remarquer que ,.. Les soignants Ă©taient aussi rĂ©duits Ă des robots donnant des soins ». 22UtilisĂ©s de maniĂšre rĂ©currente lors de lâenquĂȘte de terrain, ces termes â travail Ă la chaĂźne », robots », machines » â montrent Ă quel point les aides-soignantes en institution ressentent la difficultĂ© â sinon lâimpossibilitĂ© â de vivre la dimension humaine, relationnelle de leur travail alors quâelle est essentielle Ă leurs yeux. De mĂȘme, plus ou moins explicitement, lâusage de ces termes interpelle les structures concernĂ©es dans leur incapacitĂ© Ă sâorganiser en mettant leurs usagers ĂągĂ©s au centre de leurs prĂ©occupations. Parmi les aides-soignantes rencontrĂ©es, certaines ont pointĂ© que la recherche dâefficacitĂ© sociale ne faisait pas le poids face Ă lâexigence de rentabilitĂ© Ă©conomique aujourdâhui imposĂ©e aux structures Avant de faire du domicile, jâai travaillĂ© en maison de retraite, et câest pas du tout pareil ! La maison de retraite câest plus euh... Je dirais que câest plus au rendement, rentabilitĂ© oblige [...] en maison de retraite câest Ă la chaĂźne ». 8 Chef de service de mĂ©decine interne et gĂ©riatrie. 23Dans le mĂȘme registre critique, il est signalĂ© que les actionnaires qui investissent dans les maisons de retraites sont de plus en plus nombreux. Ă la bourse, le grabataire est Ă la hausse » titre Charlie Hebdo, lâhebdomadaire satirique et politique 28 avril 2004. Quant Ă Jacques Soubeyrand 2006, il Ă©crit8 ,.. Les bĂ©nĂ©fices de certaines maisons de retraites privĂ©es atteignent des sommets. MEDIDEP [une des trois plus grandes chaĂźnes de maisons de retraites privĂ©es] annonce pour 2003 une hausse de 25,5 % de son chiffre dâaffaires. Et, sur lâannĂ©e 2005, le cours de lâaction a progressĂ© de 31,2 %. Le groupe a multipliĂ© par dix ses bĂ©nĂ©fices 12,4 millions dâeuros en sept ans ». 24MalgrĂ© une situation financiĂšre souvent florissante, beaucoup de maisons de retraite continuent de fonctionner en sous effectifs. En France, dans ces Ă©tablissements le ratio pensionnaires/personnels » est de 0,3 personnel par pensionnaire, alors que la moyenne en Allemagne et en Suisse est de 0,8 Ă 1 personnel par pensionnaire ; soit plus du double par rapport Ă celle de la France. Lorsque lâon demande aux directeurs de maisons de retraites de procĂ©der Ă des embauches, ils rĂ©pondent que le coĂ»t de celles-ci, du moins pour partie, incombera inĂ©vitablement aux rĂ©sidents et Ă leurs familles. Or, beaucoup parmi ces derniers ont du mal Ă faire face aux tarifs dĂ©jĂ en vigueur, Ă savoir entre 2 700 et 4 600 euros par mois Ă Paris, entre 2 000 et 2 500 euros par mois en Ile de France et entre 1 500 et 1 800 euros par mois en province. 25Tandis que les maisons de retraites privĂ©es vantent la rentabilitĂ© du secteur et son potentiel de croissance Ă leurs investisseurs et Ă leurs actionnaires, câest une autre histoire quâils racontent Ă la table des nĂ©gociations avec le gouvernement. Les syndicats de directeurs dâĂ©tablissement â qui reprĂ©sentent un lobby influent au regard de la politique de la vieillesse â se plaignent de manquer de moyens. AprĂšs la canicule de lâĂ©tĂ© 2003, leur porte-parole explique en effet que le dĂ©faut de personnel rĂ©sulte "du manque de moyens et non de la recherche du profit". Il faut donc plus dâargent public au profit des dirigeants, car la dignitĂ© du quatriĂšme Ăąge est bien une question dâargent », Le Figaro, 27 aoĂ»t 2003, citĂ© par Soubeyrand, 2006. 26Dans les maisons de retraite non privĂ©es, les directeurs doivent, quant Ă eux, faire face aux restrictions budgĂ©taires. Composer avec ces restrictions devient malheureusement trop souvent une prioritĂ© de leur emploi du temps. Dans ces institutions confrontĂ©es en permanence aux restrictions budgĂ©taires, il y a nĂ©cessairement des incidences nĂ©gatives en matiĂšre de conditions de travail qui, en retour, mettent Ă mal la relation aidant »/ aidĂ© », notamment en rĂ©duisant leurs Ă©changes Ă la portion congrue. Comme le prĂ©cise une infirmiĂšre Le long sĂ©jour ne correspond pas tout Ă fait Ă ce quâon attend de lui, parce que câest un peu utopique avec les moyens quâon a actuellement... ». 27La relation dâaide, telle quâelle se pratique dans ces institutions, est Ă sens unique, Ă savoir quâil nây a pas dâinteraction possible car lâaide-soignante fait le soin ou encore distribue le repas dans un temps trĂšs court ; trop court pour envisager un rĂ©el Ă©change hors prestation prescrite avec le patient. Il semblerait que lorsque lâĂ©quilibre de la relation aidant/aidĂ© est mis Ă mal, en lâoccurrence, lorsque la relation dâaide se rĂ©sume aux soins mĂ©dicaux stricto sensu, aussi bien lâaidant que lâaidĂ© sont alors en souffrance. Comme le montre lâenquĂȘte, dans ce contexte, les aides-soignantes ont lâimpression de ne pas faire du bon travail » Lâune dâentre elles souligne Disons quâen maison de retraite, enfin pour moi personnellement, je sais pas si je peux parler comme ça, mais en maison de retraite jâai pas lâimpression de faire du bon travail parce que lĂ câest entre guillemets du "travail Ă la chaĂźne". Vraiment il faut faire vite, vite, vite, donc on nâa pas le temps vraiment de prendre soin de la personne, personnellement comme je voudrais quoi... ». 28Ce qui pose problĂšme aux aides-soignantes câest quâelles sont sans cesse dans une sorte de compromis entre, dâun cĂŽtĂ©, ce quâil faudrait faire et, dâun autre cĂŽtĂ©, ce â de fait en deçà â que permet lâorganisation du travail. Ici, on constate que pour les aides-soignantes, prendre soin des personnes ĂągĂ©es ne se rĂ©sume pas Ă la toilette ou Ă la distribution des repas. En rĂ©alitĂ©, lorsque les aides-soignantes parlent de faire le soin », elles se rĂ©fĂšrent aussi Ă un prendre soin » plus informel qui comprend des conversations avec les personnes ĂągĂ©es, et parfois mĂȘme le coiffage, le maquillage, etc. ; autant de soins qui permettent un rapprochement entre lâaidant » et lâaidĂ© ». Mais surtout, ce prendre soin informel » permettrait aux aides-soignantes de donner du sens Ă leur travail dans la mesure oĂč elles ne seraient plus dĂšs lors dans une logique de travail industrielle mais dans une logique de sollicitude et dâĂ©change favorisant la rĂ©ciprocitĂ© entre le sujet aidant » et le sujet aidĂ© ». 9 Cet aspect est trĂšs directement abordĂ© dans la contribution dâĂliane le Dantec. 29Lors des entretiens, il est apparu que les aides-soignantes disent leur mal ĂȘtre avec une certaine retenue â ... je sais pas si je peux parler comme ça... »â Ă la diffĂ©rence des infirmiĂšres qui nâhĂ©sitent pas Ă employer le terme de souffrance ». On peut se demander dans quelle mesure la retenue langagiĂšre des aides-soignantes, dâun cĂŽtĂ©, et lâaisance des infirmiĂšres, de lâautre, ne tĂ©moignent pas de leur mise Ă distance, tant subjective que symbolique, dans la division du travail9 ? 30Au-delĂ , de ce qui distingue les aides-soignantes et les infirmiĂšres quant Ă la possibilitĂ© de sâexprimer librement sur son travail, au sein des maisons de retraite ou des services hospitaliers de soins de longue durĂ©e semble rĂ©gner la loi du silence ; parler des problĂšmes quâon y rencontre sâavĂšre ĂȘtre tabou. Ainsi, Ă©vitant les mots qui seraient les plus prĂ©cis pour dire la rĂ©alitĂ© de leur travail mais quâelles pressentent comme risquant de leur porter prĂ©judice, les aides-soignantes se plaignent plus facilement du manque de temps » que dâune charge de travail trop importante ou encore dâun manque de personnel. 31La dĂ©valorisation dont pĂątit le travail des aides-soignantes âtout spĂ©cialement quand elles lâexercent auprĂšs des personnes ĂągĂ©es en fin de vie â est dâautant plus marquĂ©e que dans ces institutions les aidĂ©s, gĂ©nĂ©ralement, nây guĂ©rissent pas mais y meurent. Comme lâa fait remarquer lâune des infirmiĂšres enquĂȘtĂ©es Mais la gĂ©riatrie câest dĂ©valorisant parce que forcĂ©ment le projet de vie !... [...] Ă la sortie câest le dĂ©cĂšs câest pas la rĂ©cupĂ©ration totale de la mobilitĂ© dâun membre ou [...]. On nâest pas dans le mĂȘme projet thĂ©rapeutique, nous on accompagne en fin de vie, on accompagne dans la derniĂšre pĂ©riode de la vie. Ailleurs câest "on soigne", on traite et puis la personne sort et on est content ». 32Une autre infirmiĂšre rencontrĂ©e explique que dans le service de soins de longue durĂ©e oĂč elle a travaillĂ©, les aides-soignantes dĂ©valorisaient leur travail et, au travers de leur travail, se dĂ©valorisaient elles-mĂȘmes en se comparant Ă des torches culs ». Sâajoute Ă cela lâimpression de ne pas faire du bon travail » puisquâon ne guĂ©rit pas. Ce dâautant plus quâil y a un dĂ©calage flagrant entre ce quâon enseigne aux aides-soignantes dans le cadre de leur formation et ce quâelles font dans ce type dâinstitutions. Alors quâelles sont formĂ©es Ă guĂ©rir, dans les faits, en gĂ©riatrie, elles doivent se limiter Ă accompagner Ă mourir. Elles doivent donc assumer de prendre part Ă un Ă©vĂšnement â la mort â trĂšs dĂ©valorisĂ©e dans nos sociĂ©tĂ©s et Ă propos duquel il est finalement biensĂ©ant de se taire. Or, comment sâexprimer sur son travail quand le contexte oĂč il prend forme est socialement tabou et nettement discrĂ©ditĂ© ? 33Ainsi, les aides-soignantes sont souvent en proie Ă la culpabilitĂ© de voir quâon devrait faire peut-ĂȘtre autrement mais quâon ne peut pas ». Dans un contexte oĂč les contraintes temporelles et les pressions mentales sont fortes, il est de plus en plus frĂ©quent que les aides-soignantes perdent lâenvie, le dĂ©sir dâexercer leur mĂ©tier. Cela les conduit notamment Ă mal supporter le contact avec les personnes ĂągĂ©es et, en consĂ©quence, Ă dĂ©ployer des stratĂ©gies pour passer le moins de temps possible avec ces derniĂšres. Par exemple, elles restent plus longtemps en pause que ce qui est normalement prĂ©vu. Voici ce que dit une infirmiĂšre Ă ce sujet ,.. La souffrance, elle se voit surtout quand on nâa plus envie de passer du temps avec les gens quâon soigne. Et câĂ©tait ça aussi ! Câest-Ă -dire que dans cette structure [le service de soins longue durĂ©e], le personnel passait Ă©normĂ©ment de temps en pause, et je me suis mĂȘme amusĂ©e parfois Ă chronomĂ©trer le temps. Eh bien y avait des jours oĂč câĂ©tait pas plus calme, je veux dire les lits Ă©taient pleins, mais oĂč sur huit heures de travail ils [les membres du personnel] en travaillaient quatre... ». 34On peut dire que, de toute Ă©vidence, les conditions de travail dĂ©crites par les aides-soignantes et les infirmiĂšres lors des entretiens ne permettent pas une prise en charge suffisamment correcte, Ă©thiquement correcte » une infirmiĂšre. Nous allons Ă©galement faire ressortir quâelles ne peuvent vĂ©ritablement accorder une place Ă la prise en compte » de la personne ĂągĂ©e comme sujet pouvant Ă©changer avec dâautres sur ce qui est en train de lui arriver. DerriĂšre la pression temporelle se profile la maltraitance institutionnelle ! 35Nous retiendrons que les conditions difficiles dans lesquelles sâeffectue le travail de prise en charge de la dĂ©pendance liĂ©e Ă lâĂąge tendent Ă crĂ©er un contexte gĂ©nĂ©rant ce quâon a pris lâhabitude de nommer de la maltraitance institutionnelle ». Bien Ă©videmment, cette derniĂšre ne saurait sâexpliquer par une quelconque malveillance du personnel soignant Ă lâĂ©gard des personnes ĂągĂ©es. Par contre, il semble pertinent de noter quâelle trouve notamment sa source dans des activitĂ©s de travail qui ne sont pas porteuses de sens pour les soignants. La maltraitance institutionnelle est, en effet, un phĂ©nomĂšne collectif et organisationnel. Et, si les patients sont maltraitĂ©s, câest avant tout parce quâon maltraite le mĂ©tier », Malika Litim, Katia Kostulski, 2005. MaltraitĂ©es par lâinstitution fonctionnant, en permanence, en sous-effectifs, les aides-soignantes finissent par maltraiter leur mĂ©tier ; elles sây dĂ©sinvestissent, attendant de trouver une meilleure opportunitĂ©. Ce dĂ©sinvestissement en attendant de trouver mieux ailleurs a Ă©tĂ© bien soulignĂ© par lâune des infirmiĂšres enquĂȘtĂ©es Câest trĂšs rĂ©pĂ©titif, y a lâusure qui sâinstalle et puis cette culpabilitĂ© de voir quâon devrait faire peut-ĂȘtre autrement mais quâon peut pas. Donc je pense que tout ça fait quâau bout dâun moment, sans sâen rendre compte et sans le vouloir, on peut devenir maltraitant. Maltraitant, pas battre hein ! [...]. Je suis tombĂ©e des nues des fois dans certains longs sĂ©jours, dans certaines maisons de retraite, de constater tous ces problĂšmes de patients en souffrance mais aussi de personnels en souffrance. Câest vrai quâau dĂ©part je voyais ça comme de la maltraitance, je ne voyais pas [...]. Câest pas excusable loin de lĂ , mais je veux dire maintenant je comprends mieux ce qui peut amener un bon aide-soignant Ă dĂ©river ». 36Les entretiens que nous avons rĂ©alisĂ©s ont permis de cerner quelque peu les contours de cette maltraitance institutionnelle. Ainsi, on laisse une personne ĂągĂ©e appeler pendant plus de trente minutes une aide-soignante ou une infirmiĂšre qui ne vient pas car elle est trop occupĂ©e ailleurs Y a lâinfirmiĂšre qui y va et puis elle va vous dire "elle veut le bassin". Je suis dĂ©solĂ©e mais lâinfirmiĂšre peut trĂšs bien donner le bassin ! Et non, elle revient alors que câest Ă cinq mĂštres. Alors que bon la personne, elle a le temps de se faire pipi dessus. Ăa câest ces petites choses-lĂ que je peux pas supporter » une aide-soignante. 37De mĂȘme, une perfusion sous cutanĂ©e est posĂ©e Ă une personne qui peut trĂšs bien boire normalement. En fait, on la lui pose parce quâon manque de temps pour la faire boire. Il arrive aussi trĂšs souvent quâune personne ĂągĂ©e qui peut aller aux toilettes normalement soit obligĂ©e de porter une couche parce que les aides-soignantes nâont pas le temps de lâaider pour sây rendre. Dans une organisation du travail en flux tendu, ces faits de maltraitance Ă©mergent dâautant plus facilement que les personnes ĂągĂ©es, au lieu dâĂȘtre considĂ©rĂ©es comme sujets de leur fin de vie, sont traitĂ©es comme des objets de soins ». Comme lâĂ©crit Lise Causse 2006, les aides-soignantes en maison de retraites mĂ©dicalisĂ©es sont mises face Ă la domestication des corps et Ă lâassujettissement des ĂȘtres » et sont en quelque sorte contraintes dây prendre part en faisant ce quâil faut pour contribuer Ă produire et reproduire des pensionnaires idĂ©aux [en lâoccurrence] des reclus dociles ». 38Les aides-soignantes, comme beaucoup dâautres soignants travaillant dans ce type dâinstitutions, ont beaucoup de mal Ă faire ce quâil faudrait pour Ă©viter dâĂȘtre maltraitantes ». Elles ne disposent gĂ©nĂ©ralement pas des temps de parole qui sont indispensables pour pouvoir extĂ©rioriser » la frustration et la culpabilitĂ© accumulĂ©es afin de rĂ©crĂ©er avec un peu plus de sĂ©rĂ©nitĂ© leur relation Ă lâautre ĂągĂ©. Ces temps de parole entre aidants et aidĂ©s mais aussi entre collĂšgues de travail sont perçus comme des temps morts par les directeurs des structures employeurs. Une aide-soignante note Câest vrai quâen maison de retraite on a lâimpression que les directeurs privilĂ©gient plus de faire les toilettes, et puis, le relationnel il va passer aprĂšs, quoi ! ». 39Ces temps de paroles qui, dans une perspective dâefficacitĂ© sociale de la prise en charge sâavĂšrent dĂ©cisifs, ne sont malheureusement pas compris dans la prestation envisagĂ©e uniquement en termes dâĂ©quilibre financier. En consĂ©quence, si les aides-soignantes souhaitent consacrer du temps pour parler avec les personnes ĂągĂ©es ou encore pour Ă©changer avec les collĂšgues des difficultĂ©s rencontrĂ©es dans lâexercice de leur travail, elles nâont dâautres solutions que de le faire en lâenmaillant » â comme elles peuvent â dans le temps dĂ©jĂ trĂšs serrĂ© de la prescription stricto sensu. De lâenquĂȘte, il ressort que cet enmaillage » est une pratique moins rĂ©pandue en institution quâĂ domicile oĂč les marges de manĆuvre sont davantage possibles. Les aides-soignantes Ă domicile un travailler » oĂč lâon peut se soustraire pour partie Ă sa situation subalterne 10 Christophe Dejours dĂ©finit le travailler » au sens du manger » ou du boire ». Le travaille ... 40Le domicile, en mettant lâaide-soignante Ă distance gĂ©ographique de son employeur, lui permet dâavoir davantage dâautonomie dans son travailler »10 Dejours, 2003. Au domicile des personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes, les aides-soignantes disposent dâune marge de manĆuvre non-nĂ©gligeable, dâune part, pour organiser la mise en Ćuvre matĂ©rielle de la prescription et, dâautre part, pour construire lâinteraction aidant/aidĂ©. ProtĂ©gĂ©es par le huis-clos dans lequel les domiciles les placent, les aides-soignantes se sentent moins sous pression quâen institution. En procĂ©dant aux soins quâon attend dâelles, elles disent pouvoir sâinvestir dans un rĂ©el soutien aux vieux en fin de vie et en retirer, en retour, la satisfaction de bien faire leur travail, de lâaccomplir dans toutes ses dimensions, tant humaines que techniques sans pour cela se dĂ©partir de la distance requise du professionnel de santĂ© que la proximitĂ© attachĂ©e au domicile pourrait mettre Ă mal. Quand les toilettes peuvent aussi ĂȘtre des moments dâĂ©changes 41Ă domicile la charge de travail des aides-soignantes est plus raisonnable quâen institution. Alors que dans ces derniĂšres, les aides-soignantes sont trois pour quarante patients ĂągĂ©s, Ă domicile, il y a une aide-soignante pour environ six ou sept En 3 heures jâavais 15 toilettes Ă faire, et des douches la plupart du temps, donc câĂ©tait 15 douches. CâĂ©tait Ă la va-vite hein, euh... En revanche Ă domicile on arrive Ă 7 ou 8 patients en 5 heures. Alors vraiment la charge de travail nâest pas du tout la mĂȘme. Pas du tout, du tout la mĂȘme » une aide-soignante. 42MĂȘme si la grande majoritĂ© des aides-soignantes qui se sont prĂȘtĂ©es aux entretiens disent ne pas avoir vĂ©ritablement choisi de travailler auprĂšs des personnes ĂągĂ©es Ă domicile, elles soulignent que leur travail leur plaĂźt Non câest pas un choix, ça câest fait comme ça puisque jâai travaillĂ© quand mĂȘme 10 ans en clinique, oĂč lĂ jâai fait beaucoup de choses. Et puis non, câest pas un choix, ça sâest prĂ©sentĂ© comme ça et puis, bon... ça me dĂ©plait pas du tout ; moi jâaime ce que je fais, ah oui ! Je suis Ă©panouie dans mon mĂ©tier. Tous les jours, je vais travailler toujours avec le sourire, jâai toujours lâenvie de travailler quoi !... » une aide-soignante. 43La diffĂ©rence sensible que lâenquĂȘte fait ressortir entre le travail des aides-soignantes en institution et Ă domicile en faveur de ce dernier tient Ă plusieurs facteurs. Tout dâabord, la charge de travail, moins lourde et contraignante Ă domicile, permet aux aides-soignantes de passer plus de temps avec les personnes ĂągĂ©es On peut prendre un petit peu plus de temps pour apporter des soins Ă ces gens-lĂ . On a plus de temps. Et donc pour moi câest important de pouvoir faire du bon travail en ayant le temps » une aide-soignante. 44Ă domicile, les aides-soignantes ont ainsi le sentiment de faire du bon travail ». Or, qui dit plus de temps, dit plus dâĂ©changes relationnels et donc plus de proximitĂ© avec les personnes ĂągĂ©es qui bien souvent tutoient les aides-soignantes ; nous lâavons vu ci-avant, câest ce que valorisent en prioritĂ© les aides-soignantes et ce qui compense le dirty work auquel on les assigne assez spontanĂ©ment On est lĂ aussi pour Ă©couter les vieilles personnes, câest vrai quâil y en a qui aiment beaucoup parler puisquâelles sont seules. Donc on est lĂ pour les Ă©couter et les rĂ©conforter un peu » une aide-soignante. 45Le maintien Ă domicile, en raison des conditions de travail globalement perçues comme satisfaisantes, permet donc Ă la relation dâaide de se faire sur la base dâun Ă©change, dâune vĂ©ritable relation Ă lâautre. Nous pouvons dire, quâĂ domicile, lâinterdĂ©pendance aidant/aidĂ© est davantage possible. Or, celle-ci et les Ă©changes qui la fondent conduisent les aides-soignantes Ă donner du sens Ă leur travail bien mieux quâelles ne lâont fait ou ne le feraient en institution. Ă domicile, elles peuvent apporter du bien-ĂȘtre Ă lâaidĂ© ĂągĂ© !... Lors de lâenquĂȘte, elles ont Ă©tĂ© unanimes sur ce point et comme le dit lâune dâentre elles Eh bien mon travail câest dâabord des soins dâhygiĂšne mais câest aussi du soutien moral, et puis en plus on apporte un bien-ĂȘtre ». 46Enfin, Ă domicile, les aides-soignantes effectuent parfois des tĂąches plus techniques autrement plus valorisantes et valorisĂ©es que la toilette comme la pose dâun pansement par exemple ... AprĂšs y a des soins particuliers, qui peuvent ĂȘtre des fois des "petits" sic pansements mais câest en connivence avec les infirmiĂšres libĂ©rales » une aide-soignante. RĂ©ussir Ă Ă©changer sur la mort et parvenir Ă apaiser les vieilles personnes une dimension essentielle du travailler » 11 Cf. la contribution dâĂliane Le Dantec. 47Ă domicile, il nâest pas rare que les personnes ĂągĂ©es se confient aux aides-soignantes en leur parlant notamment de la mort, de leur propre mort. Ainsi, comme câest le cas pour les auxiliaires de vie11, les aides-soignantes sont directement sensibilisĂ©es aux angoisses des personnes ĂągĂ©es et se sentent devoir savoir y rĂ©pondre Faut ĂȘtre prĂ©sente, faut pouvoir rĂ©pondre Ă leurs questions quand ils sont angoissĂ©s, Ă leur famille Ă©galement Ă domicile hein euh... » une aide-soignante. 48LâenquĂȘte nous apprend que toutes les personnes ĂągĂ©es ne parlent pas de la mort dans les mĂȘmes termes. Certaines disent quâelles souhaitent mourir au plus vite car elles nâont plus de raisons de vivre ,.. Elles veulent partir. Ils nous disent maintenant ça y est câest bon jâai envie de partir quoi. Mais ils disent pas quâils ont peur. AprĂšs y en a qui disent on a fait notre temps Ă 90 ans, pourquoi on est sur terre quoi. On ne sent pas ni de peur, ni de machin... » une aide-soignante. 49Dâautres font trĂšs ouvertement part de leur angoisse de mourir La conversation sâengage et puis voilĂ . Par exemple ils nous disent jâai peur de mourir... » une autre aide-soignante. 50Face Ă la diversitĂ© des ressentis, les aides-soignantes rĂ©agissent Ă©galement diffĂ©remment, adoptant des discours et des stratĂ©gies » diverses notamment en fonction du moment et de la personne ĂągĂ©e avec qui elles parlent. En voici quelques exemples recueillis auprĂšs des aides-soignantes enquĂȘtĂ©es On leur dit quâon est lĂ [rire nerveux] ! Ca dĂ©pend des jours, ça dĂ©pend comment ils le disent, ça dĂ©pend comment ils le ressentent. AprĂšs on discute et puis on parle dâautre chose, et puis on essaie de comprendre. On leur dit "pourquoi câĂ©tait trop dur pendant votre vie ou quoi" ? Et puis bon, ils commencent Ă parler du passĂ©, ou alors aprĂšs on peut le tourner en disant "mais non on a besoin de vous, comment on va faire si on vous voit plus tous les matins, jâaime bien venir vous voir, ou machin tout ça, vous avez plein de trucs Ă mâapprendre". Puis y a plein de petites phrases qui font que... Mais bon y en a ils vivent seuls et leur but, ils le disent, ils veulent retrouver ou leur femme ou leur mari ». Y en a certaines qui nous disent "jâai peur de partir", mais on leur dit que tout le monde doit partir un jour ou lâautre et quâil faut pas y penser et quâil faut profiter en attendant ». Moi en gĂ©nĂ©ral je leur dis câest pas lâheure, câest pas le moment. Sâils ont peur de mourir tout seul on essaie de leur dire quâon est lĂ , on essaie de les rassurer ». 51Une aide-soignante nous dit reformuler systĂ©matiquement ce que dit la personne ĂągĂ©e sous forme interrogative, et sâarrange ainsi pour faire parler cette derniĂšre car elle lâa bien compris, câest bien ce que souhaitent les personnes ĂągĂ©es Mais ça mâest dĂ©jĂ arrivĂ© de ne pas savoir quoi rĂ©pondre. Alors quand ils vous posent la question, faut rĂ©itĂ©rer la question. Quand ils vous posent la question, vous la redĂźtes. Et aprĂšs ils parlent un peu plus. La conversation sâengage et puis voilĂ . Par exemple, ils nous disent "jâai peur de mourir", et nous on rĂ©pond "vous avez peur de mourir ?" VoilĂ , vous comprenez, et aprĂšs la conversation sâengage ». 52Mais dans tous les cas, ce nâest pas simple pour les aides-soignantes de rĂ©pondre aux angoisses des personnes ĂągĂ©es dans la mesure oĂč elles nây sont pas toujours prĂ©parĂ©es, seule la partie technique de leur mĂ©tier Ă©tant enseignĂ©e Ă lâĂ©cole. Elles doivent donc faire appel Ă des compĂ©tences quâon dit informelles » car elles sont acquises avec lâexpĂ©rience Mais bon, câest dommage que les formations ne soient pas assez euh... [Elle cherche un long moment mais ne trouve pas]. Mais bon au niveau de lâĂ©cole quoi. Ce nâest pas assez pointu par rapport Ă ce quâon doit faire aprĂšs. Quand on sort de lâĂ©cole on est pas euh... On apprend aprĂšs sur le tas ». 53Lâangoisse de la mort mise en mots par les personnes ĂągĂ©es renvoie les aides-soignantes Ă leur propre mort ,.. Câest vrai que des fois câest difficile quand câest vraiment lâheure, on sait pas quoi leur dire mais on essaye de les accompagner le plus quâon peut quoi. Mais câest difficile, finalement on sait tous quâon va mourir un jour ou lâautre et puis on va pas leur dire non vous allez pas mourir et dâun autre cĂŽtĂ© on va pas leur dire si, si, vous allez mourir. Oui câest difficile et puis ça nous renvoie forcĂ©ment Ă nous, on se projette en se disant "quel est notre avenir ?". Donc câest vrai que nous aussi on finira par mourir, donc câest vrai que câest dĂ©licat. Et puis câest vrai quâon voit des gens ça fait quâun an quâils sont Ă la retraite et puis... ! Une grosse maladie, donc on se dit dâun autre cĂŽtĂ© faut profiter de la apprend Ă se dire vaut mieux profiter maintenant que plus tard et en mĂȘme temps ça fait peur de vieillir, ça renvoie Ă pleins de choses quoi ! » une aide-soignante. 54La mort est donc prĂ©sente dans les Ă©changes aidant soignant/aidĂ© ĂągĂ©. Indubitablement, elle nourrit leur interdĂ©pendance en train de se produire, le temps de la prestation prescrite. Dans lâintimitĂ© du domicile, cette interdĂ©pendance en train de se produire met sur le tapis » et, en consĂ©quence, questionne un tabou majeur de nos sociĂ©tĂ©s. Il nous semble que ce qui se joue Ă cette occasion circonscrit un espace de libertĂ© et de confiance socialement utile, facilitĂ© par des professionnelles des aides-soignantes mais aussi des auxiliaires de vie qui devraient ĂȘtre officiellement reconnues qualifiĂ©es pour cette part importante de leur travail. 55Nous pouvons le constater, les aides-soignantes contribuent Ă amĂ©liorer la qualitĂ© de vie des personnes ĂągĂ©es, en leur apportant un bien-ĂȘtre physique le plus facilement repĂ©rable mais aussi en leur proposant un soutien moral. Pour cela, elles font ainsi appel Ă des compĂ©tences qui ne leurs sont pas rĂ©ellement reconnues. Notamment, une relation de confiance sâinstaure entre lâaidant et lâaidĂ©. Lâaide-soignante devient en quelque sorte une confidente qui parvient, Ă force dâexpĂ©rience Ă apporter du rĂ©confort aux personnes ĂągĂ©es, tout spĂ©cialement quand elles vivent seules Moi jâai le sentiment quâon leur apporte beaucoup et puis bon les personnes ĂągĂ©es se confient Ă nous, elles nous parlent. Donc, oui jâai le sentiment de leur apporter beaucoup » une aide-soignante.Il est trĂšs important pour les aides-soignantes de sentir que leur travail, dans son aspect relationnel, a un impact positif sur les personnes ĂągĂ©es. Ă domicile, elles vivent beaucoup mieux leur mĂ©tier. Non seulement en raison de conditions de travail plus souples quâen institution qui permettent un vĂ©ritable Ă©change avec la personne ĂągĂ©e, mais aussi parce quâelles ont le sentiment âvoire la certitudeâ, dâĂȘtre impliquĂ©es dans un projet valorisant, tant humainement que socialement ,.. Parce que je suis dĂ©jĂ pour le maintien Ă domicile de la personne ĂągĂ©e. Parfois câest pas possible ; mais quand câest possible faut essayer de les conserver dans leur univers quoi. Ne pas trop les dĂ©raciner, parce que câest un dĂ©racinement la maison de retraite, lâhĂŽpital câest totalement diffĂ©rent. Ils ne vivent pas leurs maladies de la mĂȘme façon hein. MĂȘme pour les personnes dĂ©mentes quoi » une aide-soignante. Au cĆur du travailler » un juste Ă©quilibre entre proximitĂ© et distance 56MĂȘme si dans lâensemble les aides-soignantes effectuent les mĂȘmes tĂąches Parce que câest vrai quâavec les personnes ĂągĂ©es câest toujours la petite pas beaucoup de choses qui changent » une aide-soignante, 57... il semble quâelles vivent mieux cette petite routine » Ă domicile quâen institution. Dâune part, le domicile constitue un espace de proximitĂ© favorable aux Ă©changes aidant/aidĂ©. Les aides-soignantes ont aimĂ© nous dire, quâĂ domicile, elles peuvent librement parler de choses et dâautres avec les personnes ĂągĂ©es ». Dâautre part, leurs tournĂ©es » des domiciles nâĂ©tant jamais identiques, une distance peut ĂȘtre ainsi maintenue par rapport Ă la charge affective contenue dans les attentes des aidĂ©s ĂągĂ©s. Par exemple, ne faisant pas seules les soins requis dans la durĂ©e par une personne ĂągĂ©e, les aides-soignantes du SSIAD apprĂ©cient une organisation des tournĂ©es qui leur permet de ne pas sâattacher dĂ©mesurĂ©ment aux personnes ĂągĂ©es. Par exemple, lorsquâun dĂ©cĂšs survient, elles peuvent continuer leur travail sans ĂȘtre trop perturbĂ©es. Dâailleurs, lâun des aspects positifs du maintien Ă domicile des personnes ĂągĂ©es tient au fait que les aides-soignantes, en effectuant le trajet dâun domicile Ă un autre, disposent dâun peu de temps pour pouvoir se remettre dâune situation difficile. 58Ă domicile, la distance Ă lâautre aidĂ© recommandĂ©e aux aidants professionnels nâest pas toujours facile Ă tenir. Mais, lâenquĂȘte a montrĂ© que, gĂ©nĂ©ralement, cette difficultĂ© est transformĂ©e par les aidĂ©s et les aidants en opportunitĂ©. Sous cet angle, comme nous lâavons dĂ©jĂ signalĂ© ci-avant, dans ce cadre propice Ă lâintimitĂ©, les personnes ĂągĂ©es se sentent davantage autorisĂ©es Ă susciter des Ă©changes leur permettant, Ă la fois, dâexprimer et calmer les angoisses de la fin de vie tout en gardant un contact avec lâextĂ©rieur. Quant aux aides-soignantes, en sachant faire avec les marges de manĆuvres quâelles peuvent y avoir, elles rĂ©ussissent Ă se sentir vraiment utiles Au domicile la relation nâest jamais strictement professionnelle. Je sais pas... Mais quand on travaille auprĂšs des patients chez eux, nous crĂ©ons des liens. Câest difficile de ne pas crĂ©er des liens » une aide-soignante. Moi ça va faire trois ans que je suis ici et il y a quand mĂȘme des personnes quâon prend encore en charge et que jâai pris au tout dĂ©but de mon arrivĂ©e au SSIAD. Donc câest vrai que, forcĂ©ment, on fait quand mĂȘme partie de leur vie et ils font forcĂ©ment partie de la notre parce que bon, au quotidien on les voit, on suit ce qui leur arrive [...] Donc nous câest des patients quâon garde jusquâĂ pratiquement la fin, donc quelque part on Ă©tablit quand mĂȘme une petite ils nous appellent par nos prĂ©noms, ils nous connaissent, on les voit souvent. Donc câest pas seulement un patient, voila quoi ! Câest euh... Câest un patient sans en ĂȘtre un, voilà » une aide-soignante. 59Ce dispositif de tournĂ©es alternĂ©es doit permettre aux personnes ĂągĂ©es de sâhabituer Ă voir diffĂ©rentes aides-soignantes prendre soin dâelles. Le principe de lâalternance est motivĂ© par la conviction que si, pour une raison ou pour une autre, une aide-soignante se trouve dans lâimpossibilitĂ© de se rendre au domicile dâune personne ĂągĂ©e, cette derniĂšre puisse accepter la venue dâune autre aide-soignante sans rĂ©ticence majeure. Toutes les aides-soignantes interrogĂ©es sont satisfaites de ce dispositif de tournĂ©es alternĂ©es qui leur permet de trouver un Ă©quilibre entre empathie Ă lâaidĂ© et professionnalitĂ©. En revanche, il apparaĂźt que les personnes ĂągĂ©es prĂ©fĂ©reraient avoir toujours la mĂȘme aide-soignante Les tournĂ©es alternĂ©es, câest trĂšs bien parce que, nous, on sâhabitue pas Ă la personne, parce que câest vrai quâon arrive Ă sâattacher aux gens. Donc, comme ça on sâhabitue pas Ă la personne et puis la personne ĂągĂ©e pareil. Câest vrai que certaines personnes sâen plaignent "Oui ça change tout le temps on aimerait bien avoir toujours les mĂȘmes euh"... Mais nous on prĂ©fĂšre tourner comme ça. Parce que lĂ , câest pas que pour quelques mois quâon a les personnes, câest pendant des annĂ©es ! Donc câest vrai que de voir toujours, toujours, toujours les mĂȘmes personnes, je pense pas que ça soit bien, pour les deux » une aide-soignante. 60La demande des personnes ĂągĂ©es de garder toujours la mĂȘme aide-soignante doit ĂȘtre reliĂ©e au mĂ©contentement souvent trĂšs marquĂ© de voir leurs habitudes dĂ©rangĂ©es. Ainsi, au domicile des personnes ĂągĂ©es, le moindre dĂ©placement dâobjet par les aides-soignantes demande beaucoup de tact et de patience. Ă ce sujet, Jean-Claude Kaufmann 1997 Ă©crit Les objets du quotidien ont une vertu de permanence qui construit le concret et contrĂŽle les errements de lâidentitĂ© ils jouent le rĂŽle de garde-fou du soi [...]. Les objets participent Ă la fois Ă la conservation de la mĂ©moire collective dâune sociĂ©tĂ© et Ă la conservation de la mĂ©moire individuelle ». Les objets nâĂ©tant pas que des objets mais des prolongements de soi, nous pouvons comprendre lâimportance que leur accordent les personnes ĂągĂ©es et, en consĂ©quence, leur rĂ©ticence Ă les voir dĂ©placĂ©s par un tiers. Une aide-soignante prĂ©cise ,.. on leur change certaines habitudes en rapport au soin. On leur dit "voilà ça, les serviettes ça serait bien de les mettre lĂ , ou telle crĂšme lĂ , comme ça câest accessible". Donc ça, on leur chamboule un petit peu mais vraiment avec patience, et petit Ă petit, on peut pas faire ça brutalement et, donc, câest pour ça quâil faut, tout doucement, amener notre façon de travailler chez eux. Câest pas simple ». 61Or, selon les aides-soignantes, ce nâest pas de pĂ©nĂ©trer dans le domicile des personnes ĂągĂ©es qui pose problĂšme, mais câest de le faire rĂ©guliĂšrement qui sâavĂšre lâĂȘtre. En effet, Ă titre dâexemple, lorsque notre Ă©tat de santĂ© ne nous permet pas de nous rendre au cabinet du mĂ©decin, câest tout naturellement le mĂ©decin qui se rend Ă notre domicile, et cela ne pose aucun problĂšme dans la mesure oĂč le mĂ©decin ne vient pas tous les jours. Par contre, le fait quâun professionnel mĂ©decin, assistante sociale, aide Ă domicile, infirmiĂšre, etc. vienne chez vous rĂ©guliĂšrement, peut signifier deux choses, diffĂ©rentes mais souvent complĂ©mentaires dâabord, en gĂ©nĂ©ral, cela signifie que vous ne pouvez plus vous dĂ©placer commodĂ©ment ou facilement donc que vous ĂȘtes en partie confinĂ© dans votre domicile. Ensuite, mĂȘme si vous pouvez encore Ă peu prĂšs vous dĂ©placer, le fait quâun professionnel vienne chez vous, peut signifier quâil veut voir comment vous habitez votre logement » Ennuyer, 2006. 62Le souhait de voir toujours la mĂȘme aide-soignante traduirait un besoin des personnes ĂągĂ©es dâhumaniser » lâaspect mĂ©dical de la relation avec celle-ci en reconstruisant, en quelque sorte, un environnement familial Ă©liminant du mĂȘme coup le sentiment dâintrusion. 63Lâune des diffĂ©rences majeures entre le maintien Ă domicile et lâadmission en institution est que cette derniĂšre est trĂšs fortement hiĂ©rarchisĂ©e et sous contrĂŽle, ne facilitant pas, dâune part, la mise en place de temps de paroles avec les personnes ĂągĂ©es dĂ©jĂ Ă©voquĂ©s un peu plus haut mais aussi lâentente entre les aides-soignantes et leurs supĂ©rieurs, dont les infirmiĂšres auxquelles elles sont directement subordonnĂ©es aspect sur lequel nous allons maintenant nous arrĂȘter. II. DES AIDES-SOIGNANTES ET DâAUTRES PROFESSIONNELS ENTRE CONTRĂLE ET CONFIANCE CONTRĂLĂE 64ArticulĂ©e ou non au soutien dâaidants familiaux, la prise en charge de la dĂ©pendance liĂ©e Ă lâĂąge prend forme Ă travers lâintervention de divers professionnels. Sans surprise, lâespace dâintervention constituĂ© par cette prise en charge expĂ©rimente au quotidien la rencontre de pratiques et des reprĂ©sentations construites dans des trajectoires de formation de durĂ©e et de niveaux trĂšs diffĂ©rents et renvoyant avec plus ou moins de nettetĂ© Ă lâexcellence ou Ă lâinsignifiance de sa place dans une sociĂ©tĂ© de fait segmentĂ©e, hiĂ©rarchisĂ©e et conflictuelle » Birh, 2004. Sous cet angle, la distance entre les aides-soignantes et les mĂ©decins est tellement Ă©vidente que sa lĂ©gitimitĂ© ne peut ĂȘtre sujette Ă caution. Ainsi, comme les auxiliaires de vie Le Dantec, infra, tout spĂ©cialement Ă domicile, les aides-soignantes aiment avoir Ă travailler avec les mĂ©decins » qui ne chercheraient pas Ă les rabaisser » en leur rappelant en permanence quâelles nâont quâune petite formation dans le mĂ©dical ». Par contre, les aides-soignantes ont tendance Ă percevoir les infirmiĂšres et les auxiliaires de vie comme Ă©tant Ă distance rapprochĂ©e. Cette distance rapprochĂ©e est source de tensions rĂ©currentes mais contrastĂ©es dans les frustrations et dĂ©sirs quâelles charrient. En effet, comme nous allons le voir dâun cĂŽtĂ©, les aides-soignantes aspirent Ă ce qui les rapproche des infirmiĂšres en les tirant vers le haut soit enfin reconnu ; dâun autre cĂŽtĂ©, afin dâĂ©viter dâĂȘtre aspirĂ© vers le bas, elles souhaitent que ce qui les sĂ©pare des auxiliaires de vie soit clairement rappelĂ©. 65Les tensions qui ainsi se jouent autour de la position des aides-soignantes dans lâespace dâintervention segmentĂ©, hiĂ©rarchisĂ© et conflictuel quâest lâaide aux personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes expriment Ă©galement la nĂ©cessitĂ© dâouvrir un dĂ©bat sur la recomposition Ă lâĆuvre des statuts professionnels que paraĂźt impliquer le type de travailler » requis dans sa dimension relation dâaide ». En effet, que lâon soit aide-soignante, infirmiĂšre ou auxiliaire de vie auprĂšs de gens ĂągĂ©s confrontĂ©s Ă une perte dâautonomie, on se trouve en posture de faire ce quâil y a de spĂ©cifique Ă sa qualification en lâenmaillant » dans ce quâil y a de commun notamment, la demande dâĂ©changes langagiers gĂ©nĂ©rĂ© par les caractĂ©ristiques gĂ©nĂ©riques de lâaidĂ©. Or, la question est bien de savoir comment sây prendre, dâune part, pour Ă©lever ce faire et ĂȘtre commun » au rang de qualification transversale et, dâautre part, pour lâarticuler Ă des qualifications spĂ©cifiques difficilement contestables. 66Il va sans dire que notre contribution nâapportera pas de rĂ©ponses totalement Ă©tayĂ©es Ă ces deux questions. Elle vise plutĂŽt Ă circonscrire le contexte qui fait quâon se doit aujourdâhui de les poser. Elle va le faire, encore une fois, en distinguant les deux sphĂšres de la prise en charge de la dĂ©pendance liĂ©e Ă lâĂąge que sont lâinstitution et le domicile. Notre hypothĂšse Ă©tant que le faire et ĂȘtre commun » a davantage de visibilitĂ© Ă domicile quâen institution. Ă domicile, son expression se heurte moins aux tensions statutaires quâen institution. La relation de confiance â contrĂŽlĂ©e â lâemporte sur la relation de contrĂŽle entre professionnels diffĂ©remment formĂ©s et qualifiĂ©s. En institution la relation de contrĂŽle lâemporte nettement sur la relation de confiance 67Les infirmiĂšres possĂšdent un capital symbolique autrement plus important que celui des aides-soignantes. Les infirmiĂšres ont la responsabilitĂ© des tĂąches plus techniques socialement valorisĂ©es tandis que les aides-soignantes sont essentiellement chargĂ©es du dirty work ». Au vu de cette distinction de base, ce sont les infirmiĂšres qui sont en mesure dâencourager ou non les aides-soignantes et de leur dĂ©lĂ©guer ou non certaines tĂąches plus techniques, permettant Ă ces derniĂšres de valoriser ou non leur travail. Ce sont aussi les infirmiĂšres qui sont habilitĂ©es Ă intĂ©grer ou pas les aides-soignantes au diagnostic infirmier. Sous cet angle, lors des entretiens, les aides-soignantes ont expliquĂ© que leurs rapports avec les infirmiĂšres Ă©taient parfois difficiles en institution, en ce sens que, la plupart du temps, les infirmiĂšres ne dĂ©sirent pas leur dĂ©lĂ©guer certaines tĂąches plus valorisantes ; aussi, les aides-soignantes se sentent parfois Ă©crasĂ©es par la logique hiĂ©rarchique. Voici ce que dit une aide-soignante Ă ce sujet En institution [...]. Câest chacune son rĂŽle, enfin câest ce que moi jâai ressenti, câest chacune son rĂŽle et puis on dĂ©borde pas [...]. AprĂšs les infirmiĂšres, jâai trouvĂ© que, surtout celles qui sortaient de lâĂ©cole, elles prenaient vraiment leur rĂŽle Ă cĆur. Ă une Ă©poque je me suis mĂȘme sentie un peu Ă©crasĂ©e par ça, chacun son rĂŽle... ». 68Tandis que les aides-soignantes dĂ©sirent accomplir des tĂąches plus techniques qui sortent thĂ©oriquement du cadre de leur fonction, les infirmiĂšres sont dans une toute autre logique. Une aide-soignante le fait dâailleurs remarquer Bon, on aurait plus tendance, nous les aides-soignantes, Ă dĂ©border un peu, alors que les infirmiĂšres, non !... Elles, elles restent bien sur leur rĂŽle et puis voilĂ quoi ». 69En rĂ©alitĂ©, tandis que les aides-soignantes voudraient accĂ©der Ă un peu plus de capital symbolique, les infirmiĂšres luttent pour conserver le leur. Lors des entretiens, certaines aides-soignantes ont expliquĂ© que les infirmiĂšres ne dĂ©siraient pas sâoccuper des tĂąches plus ingrates effectuĂ©es traditionnellement par les aides-soignantes. Par exemple, lâune dâentre-elles explique quâil nâĂ©tait pas rare que les pensionnaires souillent leurs draps parce que les aides-soignantes Ă©taient trop occupĂ©es ailleurs et que lâinfirmiĂšre pourtant prĂ©sente attendait quâune aide-soignante se libĂšre. MalgrĂ© la bonne foi des infirmiĂšres enquĂȘtĂ©es quant Ă leur envie de valoriser les aides-soignantes, il sâavĂšre que, le plus souvent, elles ne peuvent sâempĂȘcher de rappeler quâinfirmiĂšres et aides-soignantes ont chacune leur place respective. Lâune dâentre elle nâa pas manquĂ© de faire remarquer Ce que je leur dis toujours [aux aides-soignantes] ce que moi je peux faire, vous pouvez pas le faire, mais ce que vous vous faĂźtes, moi je peux le faire ». 70Lâutilisation du verbe pouvoir » est ici trĂšs significative ! En parlant ainsi, cette infirmiĂšre met les aides-soignantes dans lâincapacitĂ© quasi physique dâaccomplir les mĂȘmes tĂąches quâelle. On pourrait sâattendre plutĂŽt Ă lâutilisation du verbe savoir » qui aurait impliquĂ© que seule une formation appropriĂ©e qui leur faisait dĂ©faut, et quâil ne sâagissait donc pas dâune incapacitĂ© physique et intellectuelle Ă accomplir les mĂȘmes gestes que les infirmiĂšres. Il est intĂ©ressant de relever que mĂȘme si la plupart des infirmiĂšres ont conscience de ce problĂšme de manque de reconnaissance des aides-soignantes, il semblerait quâelles se sentent en danger quand on adopte une posture susceptible de les revaloriser. 71Au vu de ce constat, une question vient naturellement pourquoi, alors que les infirmiĂšres se montrent compatissantes envers les aides-soignantes, elles Ă©prouvent cet irrĂ©pressible besoin de les renvoyer Ă leur gade statutaire infĂ©rieur ? Un autre questionnement est Ă rapprocher de celui-ci pourquoi, avant mĂȘme la crĂ©ation du titre dâaide-soignante, les infirmiĂšres qualifiĂ©es ont revendiquĂ© leur diffĂ©rence en demandant lâexclusivitĂ© du titre dâinfirmiĂšre ? En effet, elles auraient tout aussi bien pu se dĂ©marquer en changeant elles-mĂȘmes de titre, laissant par-lĂ celui dâinfirmiĂšre au personnel non qualifiĂ©. Alors, pourquoi prĂ©fĂ©rer que dâautres perdent en grade plutĂŽt que de monter soi-mĂȘme ? Il est Ă©tonnant de constater que les infirmiĂšres ne sâautorisent pas Ă monter en grade, comme si Ă leurs propres yeux leur mĂ©tier nâavait pas tant de valeur pour leur permettre une rĂ©elle progression. Ainsi, il apparaĂźt que la seule possibilitĂ© de valorisation des infirmiĂšres soit la dĂ©valorisation des aides-soignantes. 72Il ne sâagit pas ici de critiquer gratuitement le comportement des infirmiĂšres vis-Ă -vis des aides-soignantes. On ne peut se rendre compte de cette rivalitĂ© quâau travers de certains entretiens dans lesquels les infirmiĂšres se dĂ©voilent » compassion mais envie que chacun reste Ă sa place, volontĂ© dâintĂ©grer mais nĂ©anmoins mise Ă lâĂ©cart. Quoi quâil en soit, il ne faut pas oublier quâen institution les infirmiĂšres sont, elles aussi, soumises Ă des conditions de travail trĂšs difficiles qui se traduisent notamment par un manque de temps Dans un service la dĂ©marche de soin est souvent faite par lâinfirmiĂšre, parfois en Ă©quipe mais pas forcĂ©ment parce quâil y a ce problĂšme de timing et en fait elles [les aides-soignantes] participent moins. Câest comme en service, moi je me battais pour quâen gĂ©riatrie les aides-soignantes participent Ă la relĂšve, je donnais le temps de parole aux aides-soignantes pour quâelles fassent elles-mĂȘmes la relĂšve de leurs patients » une infirmiĂšre. 73Il faut aussi prendre en compte la responsabilitĂ© des infirmiĂšres au regard des soins Ă dispenser ; responsabilitĂ© dâautant plus marquĂ©e que les soins sont gĂ©nĂ©ralement dispensĂ©s dans lâurgence. En effet, si une infirmiĂšre dĂ©cide de dĂ©lĂ©guer Ă une aide-soignante une de ses propres tĂąches et que celle-ci nâexĂ©cute pas correctement cette tĂąche, câest lâinfirmiĂšre qui en assumera les consĂ©quences. Toutefois, il semblerait que mĂȘme si lâinfirmiĂšre dispose dâun temps suffisant pour montrer Ă une aide-soignante la marche Ă suivre pour accomplir une tĂąche plus technique, elle ne le fait pas dans la mesure oĂč cela prouverait » que lâaide-soignante en question peut faire cette tĂąche tout aussi bien quâelle. Or, sâil sâavĂ©rait quâune aide-soignante peut parfaitement exĂ©cuter une tĂąche traditionnellement dĂ©volue aux infirmiĂšres, ces derniĂšres [descendraient] de leur piĂ©destal » une infirmiĂšre. 74Notre approche de lâopposition entre aides-soignantes et infirmiĂšres sâarticule Ă celle mise en avant dans la contribution dâĂliane Le Dantec. Comme le suggĂšre cette auteure, les infirmiĂšres gĂšrent cette opposition en sâaccrochant Ă une approche traditionnelle des qualifications et des grilles de classifications affĂ©rentes fondĂ©es sur le niveau de formation. Elles nĂ©gligent les Ă©volutions rĂ©centes en termes de compĂ©tences savoir-faire et savoir ĂȘtre qui laissent entrevoir une zone de rencontre entre leur mĂ©tier et celui des aides-soignantes ; et qui invitent probablement Ă une reconsidĂ©ration/adaptation des grilles de classifications. 75En institution, il apparaĂźt que les aides-soignantes travaillent uniquement sous dĂ©lĂ©gation, ce qui ne laisse pas la place Ă lâinitiative qui pourtant, pourrait ĂȘtre un facteur de valorisation de leur mĂ©tier et de soi. Leur travail se fait sous contrĂŽle trĂšs strict de la hiĂ©rarchie et, plus particuliĂšrement, des infirmiĂšres. Une aide-soignante enquĂȘtĂ©e note Tu fais ton truc, tu viens, tu laves, et tu tâen vas. Tu ne peux pas mettre le moindre petit pansement, tu ne le feras pas ». 76Il ressort nettement des entretiens auprĂšs des aides-soignantes que lâintercommunication avec les infirmiĂšres est trĂšs rare. Certaines dâentre-elles ont mĂȘme laissĂ© entendre quâelles avaient le sentiment quâen institution les infirmiĂšres ne leur faisaient pas confiance. En effet, participer Ă la circulation dâinformations sur lâĂ©tat des patients ĂągĂ©s et son Ă©volution serait, valorisant pour les aides-soignantes. Malheureusement, il apparaĂźt que ce qui lâemporte au quotidien câest que â plus ou moins ouvertement â les infirmiĂšres les ramĂšnent Ă leur statut de simples » exĂ©cutantes. Pourtant, lâune des infirmiĂšres enquĂȘtĂ©es insiste sur lâimportance de ces marques de confiance » et explique comment elle sây prenait pour valoriser le travail des aides-soignantes En valorisant ce quâelles font, en montrant du doigt la petite progression mais qui est Ă©norme pour la personne. Si au dĂ©part dâune prise en charge on fait une toilette au lit tous les jours et que quelques temps aprĂšs câest une toilette au lavabo, et bien de valoriser justement lâeffort quâelles ont fait tous les jours de mobiliser un petit peu plus la personne eh bien câest peut-ĂȘtre que cette personne peut aller au lavabo et câest peut-ĂȘtre que cette personne elle peut aller aux toilettes au lieu de porter une couche. Donc câest non nĂ©gligeable ! Câest quotidien, câest lors des relĂšves, de fĂ©liciter un petit peu lâaide-soignante qui a pris une initiative bien fondĂ©e et qui a apportĂ© quelque chose de positif Ă la personne, mĂȘme si câest pas immĂ©diatement, mĂȘme si câest au bout dâune semaine » 77Comme le montre lâenquĂȘte, il semblerait quâen institution les mĂ©decins valorisent plus le travail des aides-soignantes. Voici ce que dit une aide-soignante Avec les mĂ©decins en institution on arrivait plus facilement Ă leur parler quand il y avait un souci. Les mĂ©decins me dĂ©lĂ©guaient plus facilement que les infirmiĂšres » une aide-soignante. 12 Dans sa contribution, Ăliane Le Dantec remarque le mĂȘme type de proximitĂ© ânon clairement assumĂ©e ... 78Ici, entre en jeu le fait que symboliquement et objectivement le mĂ©decin est beaucoup plus qualifiĂ© que les aides-soignantes et les infirmiĂšres. Le mĂ©decin ne rentre pas dans des conflits pour lâappropriation ou le maintien de son capital symbolique. De mĂȘme, de plus en plus de femmes sont mĂ©decins, ainsi, aujourdâhui, mĂȘme si le symbole de la masculinitĂ© concernant la mĂ©decine est encore relativement prĂ©gnant, elle nâest plus un domaine exclusivement masculin. Câest pourquoi, la rivalitĂ© qui existe entre aides-soignantes et infirmiĂšres tient certainement moins Ă un problĂšme du rapport masculin/fĂ©minin quâau fait quâelles sont plus proches dans la hiĂ©rarchie que ce quâelles pensent12. Dans ces conditions, la seule vĂ©ritable caution de valeur pour les infirmiĂšres est donc que les aides-soignantes demeurent statutairement infĂ©rieures. Nous pouvons retenir que la rivalitĂ© âplus ou moins explicite â observĂ©e lors de lâenquĂȘte de terrain tĂ©moigne, dâun cĂŽtĂ©, dâaides-soignantes souffrant dâun dĂ©ficit de valeur et, de lâautre, dâinfirmiĂšres faisant tout pour maintenir en lâĂ©tat ce qui signe leur crĂ©dit de valeur. II. 2 Ă domicile une relation de confiance plus ou moins sous contrĂŽle 79LâenquĂȘte montre, quâĂ domicile, les relations entre aides-soignantes et infirmiĂšres libĂ©rales et coordinatrices sont meilleures quâen institution. Ă lâĂ©cart de la logique de contrĂŽle strictement descendant caractĂ©risant une organisation trĂšs hiĂ©rarchisĂ©e, le domicile paraĂźt Ă©mousser le risque de disputes statutaires autour des tĂąches respectivement dĂ©volues aux aides-soignantes et aux infirmiĂšres. Par contre, elle fait ressortir, quâĂ domicile comme en institution, les mĂ©decins demeurent trĂšs apprĂ©ciĂ©s pour leurs sollicitations rĂ©currentes auprĂšs des aides-soignantes qui, en retour, se sentent valorisĂ©es. Ă domicile comme en institution, il est Ă©vident que le savoir-faire hautement qualifiĂ© du mĂ©decin ne peut ĂȘtre revendiquĂ© ni par les infirmiĂšres, ni par les aides-soignantes. 80La majoritĂ© des aides-soignantes rencontrĂ©es exerçant leur mĂ©tier au domicile de personnes ĂągĂ©es disent avoir de bons rapports avec les infirmiĂšres libĂ©rales. Lâentente procĂšde certainement du fait que les unes et les autres nây ont pas de liens hiĂ©rarchiques arrĂȘtĂ©s par une mĂȘme structure employeur. Quand il arrive quâelles se croisent au domicile dâune vieille personne, comme câest le cas avec les mĂ©decins, les infirmiĂšres libĂ©rales nâhĂ©siteraient pas Ă faire appel aux aides-soignantes pour une information ou pour une assistance lors dâun soin. 81Cette façon de faire des infirmiĂšres libĂ©rales est comprise par les aides-soignantes comme une reconnaissance de leurs compĂ©tences professionnelles et, au-delĂ , comme le signe dâun respect entre personnes Ă©gales. 82Les infirmiĂšres libĂ©rales qui ont des patients en commun avec les aides-soignantes du SSIAD sont conviĂ©es aux rĂ©unions organisĂ©es par ses infirmiĂšres coordinatrices. Ces rĂ©unions ont pour objet de faire le point sur lâĂ©tat des patients ĂągĂ©s. La majoritĂ© des aides-soignantes rencontrĂ©es considĂšrent ces rĂ©unions comme un bon moyen pour se rapprocher entre professionnels de niveaux techniques diffĂ©rents. Dans cette optique, lâune dâentre elle souligne Avec les infirmiĂšres libĂ©rales, ce quâil y a de bien câest quâon organise des rĂ©unions de temps en temps. On fait un listing des patients quâelles ont Ă charge, donc on parle de chaque patient. Ce quâil y a de bien câest quâelles sont trĂšs abordables et voilĂ quoi... Câest vrai quâon a la chance de travailler avec des infirmiĂšres qui nous disent de ne pas hĂ©siter Ă les appeler sâil y a un problĂšme ». 83Seules quelques aides-soignantes plutĂŽt sceptiques notent que la plupart des infirmiĂšres libĂ©rales ne viennent pas aux rĂ©unions du SSIAD oĂč on y rencontre finalement que les collĂšgues aides-soignantes. Dans leurs propos, nous pouvons percevoir la mise en tension entre la posture collectivement impliquĂ©e » dâaides-soignantes salariĂ©es et la posture individuelle et individualiste » du travailleur indĂ©pendant ,.. Mais câest vrai quâon a des liens un peu plus rapprochĂ©s avec certaines infirmiĂšres, qui ont la mĂȘme optique que nous. Parce que les autres, parler des patients ça les intĂ©resse pas spĂ©cialement puisque bon elles, elles font leurs soins, elles ont leurs protocoles de soins mais ça sâarrĂȘte lĂ quoi » une aide-soignante. 13 Les deux infirmiĂšres coordinatrices du SSIAD de lâhĂŽpital de Perpignan sont notamment chargĂ©es des ... 84Les infirmiĂšres coordinatrices du SSIAD13 on fait lâunanimitĂ© autour du constat suivant lequel elles font confiance aux aides-soignantes quâelles encadrent. Sous cet angle, Ă domicile, lâencadrement auquel procĂšdent les infirmiĂšres coordinatrices, dâune part, nâest pas ressenti par les aides-soignantes comme un contrĂŽle entendu au sens dâune domination. Dâautre part, les aides-soignantes enquĂȘtĂ©es font ressortir que la fonction dâencadrement qui les concerne les autorise Ă prendre part au diagnostic infirmier au moment des rĂ©unions en faisant remonter des domiciles ce qui ne va pas » Ici quâon soit aide-soignante ou infirmiĂšre, on peut dire, on peut soumettre des choses. Enfin je veux dire câest valorisant, les infirmiĂšres disent "vous ĂȘtes nos yeux, point barre" donc euh... » une aide-soignante. 85Les aides-soignantes apprĂ©cient particuliĂšrement dâĂȘtre consultĂ©es avant que les infirmiĂšres coordinatrices prennent une dĂ©cision, notamment en ce qui concerne les plannings Oui ça se passe trĂšs bien. Moi je pense quâelles ont leur rĂŽle propre. Autant elles nous font confiance et autant elles vont nous demander euh... Des choses par rapport au planning, par rapport aux tournĂ©es. Elles peuvent trĂšs bien le faire sans nous demander, comme nâimporte quel patron. Mais non elles prĂ©fĂšrent nous demander quâest-ce quâon en pense. Mais euh... Quand il faut trancher, elles tranchent, ce qui est tout Ă fait normal. Non elles sont trĂšs, trĂšs bien. Je pense quâelles ont la pĂ©dagogie en plus. Y a un temps pour rigoler et puis y a un temps pour travailler, voilĂ . Chez nous câest vraiment ça. Y a une bonne ambiance. Nous on est Ă lâaise avec elles, et ça nous permet de dire plus facilement ce qui va pas, pour nous, et elles, nous dire ce qui va pas et puis quand il faut se fĂącher, enfin se fĂącher câest façon de parler, mais quand elles disent non câest non. Et câest trĂšs bien, parce que sinon ça pourrait pas marcher ». 86Au travers de cet extrait dâentretien nous ne remarquons pas moins que si les infirmiĂšres font confiance aux aides-soignantes, ces derniĂšres ne sont pas Ă lâabri dâun rappel Ă lâordre ». Si on la compare Ă lâenthousiasme pour dire la relation de confiance, la mise en mots retenue des rappels Ă lâordre du supĂ©rieur hiĂ©rarchique doit sâentendre en nâoubliant pas que les infirmiĂšres coordinatrices sont chargĂ©es de lâĂ©valuation des aides-soignantes avec les incidences nĂ©gatives que celle-ci pourrait avoir sur le planning et la qualitĂ© de leur tournĂ©e. 87Ă domicile, les aides-soignantes ne sont pas les seules professionnelles qui ont un contact rĂ©gulier avec les familles des personnes ĂągĂ©es. Câest aussi le cas des auxiliaires de vie. Certaines des aides-soignantes enquĂȘtĂ©es nous ont dit avoir en gĂ©nĂ©ral de bonnes relations avec les auxiliaires de vie, reconnaissent notamment quâelles ont un rĂŽle important pour que le maintien Ă domicile des personnes ĂągĂ©es se dĂ©roule au mieux Ce quâil y a de bien, câest que nous on a un passage dâune demi-heure le matin, les auxiliaires de vie ce quâil y a de bien, câest que si elles sont lĂ plus longtemps, elles peuvent remarquer des choses. Ne serait-ce que les selles, parfois les patients se souviennent pas sâils sont allĂ©s Ă la selle ou pas, on peut pas contrĂŽler sâil y a un problĂšme de constipation ou quoi. Donc câest vrai que les auxiliaires de vie elles nous notent si pendant leur prĂ©sence elles ont Ă©tĂ© Ă la selle. Donc câest important » une aide-soignante. 88Cependant, de la mĂȘme maniĂšre que les relations entre infirmiĂšres et aides-soignantes en institution sont rythmĂ©es par une lutte statutaire, Ă domicile, les relations entre aides-soignantes et auxiliaires de vie sont parfois conflictuelles pour les mĂȘmes raisons, Ă ceci prĂšs que dans ce cas ce sont les aides-soignantes qui sont pourrait-on dire en situation de force par rapport aux auxiliaires de vie. En effet, les aides-soignantes supportent mal que les auxiliaires de vie effectuent des tĂąches qui leur sont normalement assignĂ©es. Cela mĂȘme si paradoxalement elles reconnaissent âau moins en partieâ que les auxiliaires de vie ont un rĂŽle informationnel dans la mesure oĂč elles sont plus souvent en contact avec les personnes ĂągĂ©es On a les auxiliaires de vie et ça câest important. Câest le plus important parce que câest avec elles quâon a le plus de contacts et euh... Câest elles les premiĂšres qui vont venir nous aider et dire "tiens attends je vais faire le lit". Et puis elles sont plus souvent avec le patient alors on leur dit "tiens comment vous lâavez trouvĂ© ?", voilĂ . Et avec elles ça se passe bien, en gĂ©nĂ©ral ça se passe bien. Sauf si certaines auxiliaires de vie pensent quâelles sont docteurs, et ben on essaie de leur faire comprendre quâelles sont pas docteur. Câest arrivĂ© oui. La famille sâĂ©tait dĂ©placĂ©e et donc ils mâattendaient, ils voulaient me poser des questions par rapport Ă notre structure etc. [...] Et lâauxiliaire de vie balayait autour de nous et elle tendait lâoreille donc bon... Et Ă un moment donnĂ© la famille me demande "mais euh le passage infirmier en fait câest Ă quelle heure" ? Et lĂ lâauxiliaire de vie dit oh non, non elle a pas dâinfirmiĂšre, y a aucune infirmiĂšre qui vient ». Et lĂ jâai dit "quand mĂȘme" ! Parce que câest une patiente quâon a depuis plus dâun an et depuis plus dâun an elle a une infirmiĂšre qui vient lui faire un pilulier. Voilà ça, et en fait câest elle qui a donnĂ© la rĂ©ponse Ă ma place. Donc Ă un moment donnĂ© la personne de la famille sâest retournĂ©e et lui a dit "Ă©coutez balayez rire et laissez la personne rĂ©pondre", quoi. En plus, y a pas longtemps quâelle Ă©tait arrivĂ©e mais elle avait dĂ©cidĂ© quâelle savait tout de cette dame et que voilĂ . Câest rare mais bon dans ces cas-lĂ , on leur fait comprendre que nous on vient pas empiĂ©ter sur leur travail, donc voila quoi. Chacun a sa place. Autant on est une Ă©quipe, autant chacun a sa place quoi, voilà ». 89Ainsi, les aides-soignantes rappellent rĂ©guliĂšrement aux auxiliaires de vie ce quâelles ne doivent pas faire ou dire car elles estiment que ces derniĂšres ne disposent pas des connaissances liĂ©es Ă leur formation et quâelles nâont donc pas les compĂ©tences requises ; chacun devant envers et contre tous rester Ă sa place quoi quâil arrive !... Dâailleurs, comme cela nous a Ă©tĂ© signalĂ©, lorsque les aides-soignantes demandent Ă ce que leur salaire soit plus important, câest en rĂ©fĂ©rence Ă celui des auxiliaires de vie qui, bien que non qualifiĂ©es, ne perçoivent que cent euros de moins quâelles !... CONCLUSION 14 En France aujourdâhui, on compte 8 millions dâemployĂ©s dont six millions de femmes Chenu, 2005. 90Comme nous avons tentĂ© de le montrer, les aides-soignantes travaillant auprĂšs des personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes cristallisent plusieurs des caractĂ©ristiques qui rendent compte des difficultĂ©s et mutations de la condition salariale aujourdâhui. Ă lâoccasion de cette conclusion nous retiendrons, comme le rappelle Alain Chenu 2005, que les aides-soignantes, avec la secrĂ©taire, le facteur, lâemployĂ© de banque, la caissiĂšre de supermarchĂ©, lâassistante maternelle et la femme de mĂ©nage, sont les figures les plus emblĂ©matiques du monde des employĂ©s dans sa configuration actuelle14 ». 91Comme le suggĂšre encore Alain Chenu, au mĂȘme titre que les auxiliaires de vie travaillant elles-aussi auprĂšs des personnes ĂągĂ©es, les aides-soignantes appartiennent au prolĂ©tariat de services » trĂšs exposĂ© Ă la prĂ©caritĂ© de lâemploi dans ses divers degrĂ©s ; en raison notamment des fluctuations des politiques publiques et de leur maniĂšre de se positionner au regard du secteur marchand qui lorgne de plus en plus sur la manne que promet le vieillissement de la population. 92Mais, si les aides-soignantes ressortent sans nul doute du groupe aujourdâhui le plus exposĂ© Ă la prĂ©caritĂ© de lâemploi au sein de ce salariat multipolaire » circonscrit par Jean Lojkine 2005, son appartenance Ă ce dernier, cette fois saisie sous lâangle du travail, tĂ©moigne aussi dâune possible recomposition des qualifications qui pourrait â peut-ĂȘtre â leur ĂȘtre favorable. En effet, comme nous avons commencĂ© Ă lâapprĂ©hender, la rencontre entre des salariĂ©s retraitĂ©s et des salariĂ©s en activitĂ© comme cadre de rĂ©alisation du travail subordonnĂ© des seconds et dâexpĂ©rimentation du temps libĂ©rĂ© des premiers Friot, 2003, laisse entrevoir les contours dâune qualification transversale Ă diffĂ©rents mĂ©tiers et source de valorisation de soi. Lâenjeu central de cette qualification transversale en gestation est, nous semble-t-il, lâaffirmation de lâefficacitĂ© sociale du travail mis au service dâune fin de vie confortable et apaisĂ©e pour tous contre la recherche dâune rentabilitĂ© Ă©conomique Ă court terme qui porte le risque dâune vieillesse Ă deux vitesses celle des vieux riches ou suffisamment aisĂ©s bĂ©nĂ©ficiant de la sĂ©curitĂ© de vie et celle des vieux peu aisĂ©s ou pauvres plus ou moins confrontĂ©s Ă lâinsĂ©curitĂ© de vie.
SeprĂ©parer Ă se prĂ©senter. Si je me prĂ©sente Ă un poste de leadership, je vais Ă©viter de parler de ma passion pour les jeux vidĂ©os que jâai eu entre 15 ans et 18 ans. En revanche, si je vais parler de leadership Ă une bande de geeks, je vais en parler pour que ceux-ci sâidentifient.
Vous ĂȘtes un salariĂ© en CDD ou CDI et vous souhaiteriez effectuer une formation afin de monter en compĂ©tences ou dâenvisager un nouveau mĂ©tier ? Sachez que dĂ©sormais chaque salariĂ© dispose dâun Compte Personnel de Formation CPF et que vos cotisations vous donnent le droit Ă un financement pour rĂ©aliser des formations. A ce titre, vous avez le droit de demander des congĂ©s payĂ©s ou sans solde dans le but dâassister Ă cette formation. Votre employeur nâest pas obligĂ© dâaccepter votre indisponibilitĂ© voir le code du travail sur le droit des salariĂ©s, mais vous avez tout Ă fait le droit de lui demander un congĂ©s de formation professionnelle, voir de participer financiĂšrement en complĂ©ment de votre CPF aux coĂ»ts que celle-ci engendre. ModĂšle de lettre de formation professionnelle Ă son employeur Vous pourrez utiliser le modĂšle ci-dessous pour formuler une demande de congĂ©s payĂ©s Ă votre employeur afin de rĂ©aliser votre formation. Veillez Ă bien le remplir avec vos propres informations PrĂ©nom, Nom Adresse Code Postal et Ville Destinataire Adresse Code Postal et Ville Ă ville, le xx/xx/xx Objet Demande de formation professionnelle PiĂšces-jointes les indiquer Madame, Monsieur, EmployĂ©e de indiquer le secteur dans votre entreprise en tant que indiquer la fonction souhaitĂ©e, je dĂ©sire aujourdâhui me rĂ©orienter professionnellement vers le mĂ©tier de indiquer le nom du mĂ©tier. Par la prĂ©sente, je vous adresse une requĂȘte de prise en charge de ma formation de indiquer la formation de indiquer le nom de lâorganisme, dans le cadre de indiquer la nature du dispositif. Je vous ai dâailleurs transmis la fiche descriptive de cette formation en piĂšce jointe. En consĂ©quence, je vous demande de mâoctroyer un mois de congĂ©s sans soldes, temps nĂ©cessaire Ă cette formation, et vous propose de contribuer financiĂšrement, Ă hauteur de 2000⏠pour le coĂ»t qui est non supportĂ© par mon Compte Personnel de Formation. Titulaire dâun indiquer le diplĂŽme de plus cohĂ©rent avec la formation, je pratique mon mĂ©tier depuis maintenant indiquer le nombre annĂ©es, dont indiquer le nombre au sein de votre entreprise Ă ne noter que si vous avez dĂ©jĂ travaillĂ© pour cet employeur. Durant ma carriĂšre, jâai occupĂ© les fonctions suivantes de indiquer les fonctions occupĂ©es pendant nombre dâannĂ©es annĂ©es. Cela mâa rendu possible lâassimilation de nombreuses compĂ©tences, comme indiquer les compĂ©tences les plus cohĂ©rentes avec la formation, ainsi que lâassimilation de qualitĂ©s de indiquer les qualitĂ©s les plus cohĂ©rentes avec la formation. Je dĂ©sire aujourdâhui, professionnellement comme personnellement, orienter ma carriĂšre vers le mĂ©tier de indiquer le mĂ©tier, pour pouvoir Ă©voluer dans lâentreprise quand un poste de cette nature viendra Ă ĂȘtre vacant ou créé indiquer âou crééâ seulement si câest un poste qui sera prochainement prĂ©sent dans lâentreprise. Câest naturellement que jâai choisi dâaller dans cette voie, car je suis indiquer les traits de personnalitĂ© pertinents et jâai indiquer les expĂ©riences pertinentes. Je vous remercie par avance de la considĂ©ration que vous porterez Ă ma demande, et suis Ă votre entiĂšre disposition pour convenir dâun entretien afin de vous expliquer plus en dĂ©tail mon projet. Dans lâattente de votre rĂ©ponse, qui jâespĂšre sera positive, veuillez agrĂ©er, Madame, Monsieur, lâexpression de mes sentiments distinguĂ©s. Signature PrĂ©nom et Nom Pour aller plus loin si vous avez des questions sur la formation professionnelle, son financement et les congĂ©s, vous pouvez poser votre question dans les commentaires, et vos camarades y rĂ©pondront đ volontiers.Laformation dâaide-soignante Ă lâissue de lâadmission se dĂ©roule sur 1 annĂ©e. Une fois arrivĂ© dans la salle d'examen le jury vous demandera de tirer au sort un sujet d'actualitĂ© sanitaire et social, vous aurez environ 30mn pour le prĂ©parer seul. Ensuite le jury vous demandera de l'exposer et de l'argumenter Ă haute voix.
LâactualitĂ© rĂ©cente a Ă©tĂ© marquĂ©e par diverses agressions subies par les infirmiĂšres libĂ©rales, de la part de leur patient. ConfrontĂ©es Ă des personnes dĂ©sespĂ©rĂ©es, malades, le comportement Ă adopter nâest pas toujours Ă©vident. Fort heureusement tous les patients ne sont pas violents, mais certains sont jugĂ©s difficiles » tant au niveau de leurs comportements, que dans leurs demandes saugrenues. On fait le point avec vous sur la gestion des patients difficiles. Des agressions de plus en plus frĂ©quentes Patient difficile » nâest pas forcĂ©ment synonyme de patient dangereux, mais malheureusement, les violences subies par les IDEL sont croissantes au cours des derniers mois. AprĂšs le dĂ©cĂšs en juillet 2014 dâune IDEL Ă Strasbourg dans le cadre de son exercice, lâagression de Jeanine, IDEL dans lâHĂ©rault, le tĂ©moignage de Marie-Françoise, IDEL en Bretagne, agressĂ©e par un de ses patients montre quâil faut faire preuve de la plus grande vigilance vis-Ă -vis de certaines personnes. Tous ces Ă©vĂ©nements tragiques agitent le dĂ©bat autour des conditions dâexercice des IDEL, et il est nĂ©cessaire dâen parler pour faire Ă©voluer les choses ! Quâest-ce quâun patient difficile ? On appelle patient difficile, ces patients qui exagĂšrent demandes abusives, maladies imaginaires, dĂ©pendance, insultes. Ils dĂ©passent les bornes ! Violents ou agressifs ils ne respectent plus la distance patient-soignant quâil est dâusage de conserver, se permettant certaines rĂ©flexions ou certaines demandes. La consĂ©quence ? Le soignant peut ĂȘtre exaspĂ©rĂ© par le patient, et finit par lui-mĂȘme ne plus faire dâeffort, voir Ă ĂȘtre dĂ©sagrĂ©able avec lui. Cela créé un cercle vicieux qui dĂ©tĂ©riore petit Ă petit la relation entre les deux personnes et lâissue est bien souvent lâarrĂȘt de la prise en charge de la personne en question. La situation est gĂ©nĂ©ralement trĂšs mal vĂ©cue par lâIDEL qui peut ĂȘtre agacĂ©e, fatiguĂ©e dâavoir Ă gĂ©rer ce genre de personne. Il/elle nâa plus envie dâaider le patient, redoute les rendez-vous et les vit comme un calvaire. Le comportement Ă adopter Comme Ă©voquĂ© dans un autre de nos articles OĂč sâarrĂȘte le rĂŽle de lâIDEL ? » , il y a des limites Ă ce que vous pouvez accepter. DĂšs que le patient franchi ces limites, vous devez rĂ©agir Ă ses propos et ne pas hĂ©siter Ă le recadrer ». Vous ĂȘtes seulement tenue dâeffectuer des actes mĂ©dicaux et les patients vous doivent le respect. Il est cependant plus difficile dâexprimer son mĂ©contentement lorsque le patient est simplement un peu trop prĂ©sent » ou essaye dâexercer une certaine pression psychologique nombreux appels, nombreuses exigences, comportement Ă la limite de la tyrannie. Beaucoup pensent quâils sont vos uniques patients ! Vous avez la possibilitĂ© dâinterrompre les soins, si vous avez une raison valable. Une relation qui sâenvenime ou encore la perte de confiance dans le soignant sont des motifs valables pour lâarrĂȘt des soins. Dans ce cas, vous devez fournir au patient une liste des infirmiĂšres dans la rĂ©gion et transmettre son dossier Ă la personne qui prendra le relais. Il est parfois prĂ©fĂ©rable dâarrĂȘter les soins plutĂŽt que de continuer Ă subir la relation. Dans tous les cas, parlez-en autour de vous, Ă vos proches, Ă vos collĂšgues. Recevoir un avis extĂ©rieur ne peut ĂȘtre que bĂ©nĂ©fique pour prendre un peu de recul par rapport aux Ă©vĂ©nements. Rassurez-vous, ĂȘtre IDEL est un trĂšs beau mĂ©tier, et ces patients difficiles sont compensĂ©s par les magnifiques rencontres que votre mĂ©tier vous donne lâopportunitĂ© de faire ! Pour vous bĂątir votre propre opinion si vous envisagez de vous installer, nâhĂ©sitez pas Ă consulter notre article qui traite des avantages et des inconvĂ©nients du mĂ©tier dâIDEL. Pour les IDEL dĂ©jĂ installĂ©e, avez-vous dĂ©jĂ rencontrĂ© ce type de patient ? Quels conseils donneriez-vous aux futures installĂ©es ? Liens
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